EPITAPHE DE RENE VEAU
Cy gist la puante charongne
De maistre René Veau l' yvrongne,
Fils putatif d' un grand taureau,
Car jadis son cornard de pere
Espousant sa paillarde mere
Espousa la vache et le veau.
Ce veau donc fut (comme j' estime)
Né Veau, puis René veau de disme,
Tant que croissant de mal en pis,
Ses cornes luy vindrent si grandes
Qu' on le couronna de guirlandes
Pour l' offrir à l' idole Apis.
Apres il vestit la figure
D' un bouc tout puant de luxure,
Puis d' un grand chien incestueux
Pour se joindre à sa belle mere,
Puis il couvrit son vitupere
De la peau d' un asne galleux.
Un jour cét asne au consistoire
Si laidement se prit à braire
Que le juge indigné du cas
S' escria, troussant sa sutane,
Qu' on eut à chasser ce grand asne
De la barre des advocats.
Aussi pour quoy passant les bornes
Porte t' il bonnet à six cornes?
C' est aux docteurs faire un affront,
Non, son bonnet n' en à que quatre,
Mais sa femme toute follastre
Luy en plante deux sur le front.
Jadis cét asne à courte oreille
Baudoüinnant souz une treille
Sa mere en loy tout debasté
Les loups pour punir cét inceste
Luy devorerent tout le reste
De sa bouquine humanité.
Lors cét object de mes yambes
Se voyant tant de loups aux jambes,
Et tant de fistules au cu,
En maudissant son asnerie
Voulut le reste de sa vie
Estre transformé en cocu.
Les dieux sa priere exaucerent
Soudain le metamorphoserent
En ce malencontreux oyseau,
Et sa femme pour peu de chose
Permit ceste metamorphose
Pourveu qu' il resta tousjours veau.
Cét oyseau d' infame plumage
N' est pas de ceux dont le ramage
Se fait retenir dans les bois
C' est un cocu à gorge enflée
Qui chante souz la cheminée
Cou-cou, cou-cou à basse voix.
Encor moins est-il de l' engeance
Des cocus qui ont l' asseurance
De pondre dans le nid d' autruy,
Mais c' est un sot cocu qui couve,
Les oeufs adulterins qu' il trouve
Ponnus par un autre que luy.
En fin ce monstre tant difforme
Reprenant sa premiere forme
Constipé, mourut à l' esbat:
Et depuis, son ame damnée
Sert en enfer de haquenée
Pour porter le diable au sabat.
Toy donc passant, qui lis ces carmes,
Pour ceste fosse emplir de larmes
N' alambique point ton cerveau,
Le ciel juste vengeur du vice
Veut que l' on chie et que l' on pisse
Sur ce detestable tombeau.