PLUME DE POÉSIES
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 Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Amourettes amants sans passion

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MessageSujet: Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Amourettes amants sans passion   Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Amourettes amants sans passion Icon_minitimeLun 15 Aoû - 17:58

AMOURETTES AMANTS SANS PASSION



Aux dames.
Belles qui triomphez de l' honneur d' un amant,
Qui nourrissez de vent le feu qui nous devore,
Superbes, pensez-vous que sans l' embrassement
Un esprit bien timbré plus d' un jour vous adore?
Nous ne sçaurions aymer ces revesches beautez
Qui portent des rochers enclos dans leurs poictrines,
Nous voulons en aymant garder nos libertez,
Et les rozes cueillir sans toucher aux espines.
Si amour est un dieu, un dieu est tout parfaict,
Et le parfaict amour n' est qu' en la jouyssance,
Discourir si long temps sans venir à l' effect
C' est estre sans amour, comme sans asseurance.
Un coeur bien amoureux est tousjours triomphant
Fuyant l' infame joug d' un esclave service,
Aymer et ne jouyr, c' est aymer en enfant
Qui se va contentant de baiser sa nourrice.


Entr' ouvrir le coral qui deux lévres conjoint,
Savourer le nectar qu' une bouche desserre
Ce sont de grands plaisirs: mais sans le dernier poinct
C' est pour guarir la soif baizer le bord du verre.

Ces esprits doux-levez dont les fades discours
N' expriment qu' en tremblant leur ardeur importune
Sont indignes qu' amour leur face de bons tours,
Jamais amant poltron ne fit bonne fortune.

Vous verrez ces hiboux le nez dans leurs manteaux
Autour des lieux aymez passer les nuicts entieres,
Comme on voit bien souvent à l' entour des tombeaux
Maints fantosmes errants dedans nos cimetieres.

Ces Petrarques plus froids que la corde d' un puits
Estimeront avoir fait assez de conqueste
Quand ils auront baizé la cliquette de l' huys,
Et qu' un pot à pisser sera cheu sur leur teste.

Retournez que seront ces amoureux trancis,
S' alambiquant l' esprit de fantasques responces,
Trouveront dans le lict plus de picquants soucis
Que s' ils estoient couchez sur un fagot de ronces.

Ils feroient beaucoup mieux de dire effrontément
Leurs chaudes passions à ces fines pucelles,
Car telle se rira de leur aspre tourment
Qui aura des brasiers plus qu' ils n' ont d' estincelles.

Penser apprivoiser un esprit peu accort,
C' est godronner un ours, flatter un tigre horrible,
C' est cercher de l' amour dans le sein de la mort,
Et vouloir animer un rocher insensible.

Deschire l' air voisin de lamentables cris,
Jure luy (en pleurant) que tu meurs, que tu brusles
Nomme la ta Junon, ta Palas, ta Cypris,
Tu n' auras que des coups de ces hargneuses mulles.

Fein toy des feux, des fers, des prisons, des trespas,
Tien sous ses loix dix ans ta liberté captive,
L' ocean de tes pleurs ne l' amollira pas,
À laver teste d' asne on y perd la lessive.

Mais l' acorte beauté (quand le coeur luy en dit)
Respond à l' esperon et r' encontre de chance,
Et ce que la pudeur à la langue interdit
Amour l' octroye aux yeux avec plus de licence.

Les yeux sont les herauts des passions du coeur,
Ceux qui n' entendent pas ce mystique langage
Ne sont que des l' ourdauts, dont l' archerot vainqueur,
N' a jamais bien avant entamé le courage.

Aussi tant de discours si bien fleur-delisez
Font voir qu' il n' y à point d' amour passé la bouche,
C' est comme ces estocs qui sont tant éguisez
Que la pointe s' en rompt dés la premiere touche.

Le rut lascif qui poinct le coeur des animaux
Trouve par tout remede à sa douce poincture,
Et l' homme qui à soif beuvant à toutes eaux
Pourroit-il bien errer imitant la nature?

La pasle jalouzie aux grand yeux descharnez
Ne tenaille nos coeurs de supçons homicides,
Car la femme ressemble aux torrents forcenez
Que tant plus on retient plus deviennent rapides.

Si le frein de l' honneur ne bride ses desirs
Il n' y à caveçon que ce poulain ne rompe,
Et ne sert aux jaloux d' espier leurs plaisirs:
Puis qu' il n' est point d' Argus que Mercure ne trompe.

Comme aux chaudes juments fay luy boucler le cu,
Tien la sur tes genoux jour et nuict embrassée,
Tu ne peux l' empescher de te faire cocu,
Si ce n' est en effet, se sera de pensée.

Il la vaut mieux laisser la bride sur le col
Courir à travers champs où son desir l' emporte,
Car ses desseins borner, c' est sermonner un fol,
Et planter pour verroüil un petard à la porte.

Que sert ses blanches mains garrotter d' un cordeau,
Que sert faire à son corps tenir prison fermée,
Si son ame lubrique est tousjours au bordeau,
Y prodiguant le feu dont tu as la fumée?

Aussi ne croyons nous le vulgaire censeur
Qui dit qu' un bon amour n' est point sans jalousie,
C' est donner à Venus Thisiphone pour soeur,
Et loger Cupidon au sein d' une Furie.

Ils pensent (ces jaloux) que les vents à dessein
Souslevent amoureux les habits de la belle,
Et si un moucheron volle au tour de son sein,
Ces foux veulent sçavoir s' il est male ou femelle.

Il ne faut qu' une oeillade eslancée à l' escart
Pour donner l' espouvente à ces ames chagrines,
Et non pas sans raison, puis que par le regard
Le venin de l' amour coule dans nos poictrines.

Ces louves bien souvent pour tromper la raison
Quand plus donnent carriere à leurs flames traitresses
C' est alors que plus fort déguisent le poizon
Et nous pochent les yeux de pipeuses carresses.

L' impudique en ton sein se fondra toute en pleurs,
Te dira (se pasmant) sa moitié plus cherie,
Qui viendra d' embrasser pour guarir ses douleurs
Sur quelque tas de foin un vallet d' escurie.

Sa bouche pût encor le fumier de cheval
Quand de ses froids baizers tes larmes elle essuye,
Et plus saoule qu' un gueu és jours du carnaval
Feindra n' avoir mangé depuis ta compagnie.

Si tu viens un peu tard au lieu accoustumé,
La cauteleuse feint qu' un desespoir l' emporte,
Tu esteindras le feu par un autre allumé.
Elle vivante ailleurs en tes bras sera morte.

Donc y recognoissant tant d' imperfection,
Et que si peu de foy se trouve entre les dames,
Nous avons resolu (amans sans passion)
D' esteindre en tous ruisseaux nos libertines flames.

Amour est un enfant qui ne peut vivre un jour
Esclaves soubs les loix d' un penible servage,
Et pour quoy donne-t' on des aisles à l' amour
Si ce n' est qu' en aymant il faut estre volage?

Au marinier tousjours n' est contraire le vent,
L' homme prudent sa vie aux destins abandonne,
Et qui change icy bas de fortune souvent
Il n' est pas qu' en la fin il n' en trouve une bonne.

Tant que peut un bel oeil nos desirs enflamer,
Ses flesches Cupidon dans nos ames estuye,
Et ne sommes tant ennuyez de l' aymer,
Car nous l' abandonnons avant qu' il nous ennuye.

La vieille graine engendre un melon abortif,
Au dessous de la barre un vin n' a plus de force,
Tout amour suranné devient lasche et retif,
Et le feu ne prend point quand trop vieille est l' amorce.

Tant que dure d' amour la reciproque ardeur
Il se faut conserver chacun dedans ses bornes,
Mais sent-on au plaisir glisser quelque froideur,
C' est à qui plantera l' un à l' autre des cornes.

Et pour changer ainsi de nouvelles amours
Sommes nous inconstans? Populaire ignorance!
Le soleil change bien de degrez tous les jours,
Et si ne fut jamais accusé d' inconstance.

Soit inconstance ou non, il importe de peu,
Ce sont les meilleurs bleds qu' on fait à l' advanture,
Joint que l' homme seroit ignorant en ce jeu
Si la femme premier n' en bailloit tablature.

Sera-t' il donc permis à ces chameleons
De changer à tous coups de formes mensongeres,
Et que pour nos beaux yeux faille que nous soyons
Des immobiles rocs à leurs vagues legeres?

Non, non, s' il se trouvoit nymphe qui desormais,
Aymast plustost mourir que faire amour nouvelle,
Nous luy ferions serment de l' aimer à jamais,
Et d' estre plus constans qu' elle ne seroit belle.

Flanc à flanc, bouche à bouche, estreins dans son giron
À nos fuyars esprits nous fermerions les portes,
Puis d' une douce oeillade, ou d' un baizer larron
Amour r' allumeroit nos flames demy-mortes.

Nos plaisirs allumez par un mesme flambeau
Ne sentiroient jamais leurs flames divisées,
Et la Parque assemblant nos corps dans le tombeau
Nos esprits s' aymeroient dans les Champs Elisées.

Les jours seroient moments, les ans seroient des jours
À nos coeurs enyvrez de l' amoureux breuvage,
Et nous serions encor au midy des amours
Que nous verrions des-ja l' occident de nostre aage.

Mais, si foulant aux pieds nostre fidelle amour,
Dans l' infidelité la perfide se veautre:
Une plus sage aura nos plaisirs à son tour,
Et ceste-cy manquant: ce sera pour un autre.

Ainsi, sans passion, et sans faire les sots
Au giron affronteur d' une ingratte maistresse,
Nous cueillirons (couchez dans le sein du repos)
Les fruicts delicieux d' une verte jeunesse.

Tout ira succedant à nos brusques desirs,
Nostre esprit sera calme au fort de la tempeste,
Et sans mesler le fiel au miel de nos plaisirs,
Tant durera le jour, tant durera la feste.
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Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Amourettes amants sans passion
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