STANCES
Pauvre Baïf, met fin à ta sottise,
Cesse d’être amoureux ;
Garde qu’Amour de son feu ne t’attise,
Et tu vivras heureux,
Puisque Francine
Te fait la mine
Et te dédaigne ;
Ainçois se baigne,
Pour son amour, à te voir langoureux.
Laisse-la là, comme chose perdue,
Sans en faire plus cas,
Et sans espoir qu’elle te soit rendue ;
Tout souci mets en bas :
Veux-tu contraindre
Son cœur de feindre ,
Qu’elle te porte
Une amour forte,
Quand tu vois qu’elle ne t’aime pas.
Un temps était que du jour la lumière
Heureuse te luisait,
Quand ta maîtresse à t’aimer coutumière
Avec toi devisait ;
Maîtresse aimée,
D’âme enflammée,
Autant qu’une âme
D’amour s’enflamme,
Par toi, à qui surtout elle plaisait.
Lors se faisaient dix mille gentillesses,
En tout heur, en tout bien ;
Si tu voulais de jeux dix mille espèces,
Elle les voulait bien.
Lors la lumière
Te fut bien chère ;
Alors ta vie
Te fut amie,
Quand vous viviez en un si doux lien.
La volonté de l’ingrate est changée,
Change la tienne aussi ;
Comme de toi elle s’est étrangée,
Fais de l’étrange aussi :
Après sa fuite
Ne fais poursuite ;
S’elle ne t’aime
Fais-lui de même,
Sans vivre plus langoureux et transi.