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 Théodore de Banville (1823-1891) Pénélope et Phryné

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MessageSujet: Théodore de Banville (1823-1891) Pénélope et Phryné   Théodore de Banville (1823-1891) Pénélope et Phryné Icon_minitimeDim 21 Aoû 2011 - 23:14

Pénélope et Phryné
A Charles Marchal


D'autres peindront, sur les sommets,
Cythérée ou bien sainte Thècle,
Ou César victorieux; mais,
En véritable enfant du siècle,

Pour nous charmer, le blond Marchal,
Dont la couleur est fort congrue,
Cette fois à son fil d'archal
Suspend la Cocotte et la Grue.

C'est-à-dire, ô gens de Passy,
Tout le bonheur que nous voulûmes;
Toute l'âme de ce temps-ci
Représentée en deux volumes.

Pénélope aux chastes bandeaux,
Qu'avec respect le démon tente,
Cache sa poitrine et son dos
Sous sa belle robe montante,

Et, sous ses lambris fleuronnés,
Voile dans les plis d'une guimpe
Deux monts sauvages, couronnés
De neiges, ainsi qu'un Olympe.

Elle coud, d'un geste humble et doux,
Avec des airs de soeur tourière;
Total: quinze mille francs, tous
Les six mois, chez la couturière.

Méprisant le Niagara
Pour sa chute, elle est tourterelle
Et pleure, et son mari sera
Philémon, s'il n'est Sganarelle!

Quant à Phryné, toute à l'Amour
Qu'elle tient captif en son antre,
Elle a la taille courte, pour
Donner plus d'importance au ventre.

Elle s'orne d'un lourd chignon
Que baisent des rayons frivoles;
Sur son front naïf et mignon
Court un fouillis de mèches folles;

Puis, sur son dos voluptueux,
Mais net comme la bonne prose,
Dégringolent de somptueux
Tire-bouchons couleur de rose,

Et sa robe, pour des desseins
Qu'on ne peut croire pacifiques,
Montre à nu le dos et les seins
Ainsi que les bras magnifiques.

Sa ceinture, qui nous promet
Tout, a l'air, fière et sans vergogne,
Du grand cordon que Wateau met
Au tout petit duc de Bourgogne;

Bref, adorable au premier chef!
Mais le malheur, c'est qu'elle mange
De l'or et du papier joseph,
Et qu'elle s'en nourrit, pauvre ange!

Double régal pour Amadis
Errant dans la campagne verte,
Pénélope a l'air d'un grand lys
Et Phryné d'une rose ouverte.

Chez nous, en pleine floraison,
En jupe austère, en folle cotte,
Nous avons, Marchal a raison,
La Grue et l'aimable Cocotte.

Double trésor, double présent
Que le poëte ne diffame
Jamais! Seulement, à présent,
Marchal, on demande... la Femme!

Quant à l'Homme... voeux superflus!
Je crois qu'en ce Paris sans gêne,
Toi-même, tu ne songes plus
A le chercher, ô Diogène!

Quoi? tu le cherches encor! Si
Tu m'en crois, il est, j'imagine,
Bien loin, bien loin, bien loin d'ici,
Oh! plus loin que l'île d'Égine!

Dans quelque désert écarté,
Au delà des routes communes,
Où sont la sainte Liberté,
Les chefs-d'oeuvre... et les vieilles lunes!
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Théodore de Banville (1823-1891) Pénélope et Phryné
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