Adieu.
Vous consolez presque les heures. . .
L'aube est encore pâle, et c'est bien loin demain. . .
Inclinez vos fronts purs en passant sous les branches,
Et puis, toutes les deux, très calmes et très blanches,
Allez dans les champs gris en vous donnant la main.
Je ne reviendrai plus dans la ville si belle
Qui sur l'horizon las s'endort d'éloignement;
Le petit bois ému m'attend plaintivement,
Et là-bas ma maison regarde devant elle.
Je suis parti bien loin des âmes que j'aimais.
Je marche le coeur vide et les mains conquérantes,
Je marche devant moi sur les routes pleurantes
Et j'irai doucement sans m'arrêter jamais.
Nous ne toucherons plus les choses anciennes,
Vous ne me suivrez pas où je m'en suis allé;
Vos âmes auraient froid sous ce ciel désolé,
Et vos petites mains trembleraient dans les miennes.
Mon souvenir, la nuit, qu'il soit paisible et vieux,
Pour que l'aube en entrant dans la chambre encor vague
Et touchant faiblement votre front qui divague
Ne vous retrouve pas des larmes dans les yeux.
Vous pourrez, en quittant l'odeur des chèvrefeuilles,
Lentes, vous promener sur les grands prés unis,
Aller dans les bosquets, pleins du concert des nids,
Et voir un peu d'azur dans les dessins des feuilles.
Le bois silencieux, sombre et profond tableau,
Le mystère vaguant sous la douceur des aulnes,
Le soleil se jouant dans les nénuphars jaunes,
L'adieu long des reflets à la fuite de l'eau. . .
À moi la plaine nue où mon orgueil se dresse,
Le ciel gris, l'azur mort sans chanson et sans vol.
D'un horizon à l'autre, en effleurant le sol,
Les ailes du grand vent passent avec tristesse.
Que vous importe, à vous! vous avez vos sous-bois,
Les lis que vous cueillez avec vos mains de vierges,
L'eau qui court au milieu du demi-jour des berges
Et qu'on fait murmurer en y trempant les doigts. . .