PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Paul Verlaine (1844-1896) Élégies V

Aller en bas 
AuteurMessage
Inaya
Plume d'Eau
Inaya


Féminin
Rat
Nombre de messages : 50031
Age : 63
Date d'inscription : 05/11/2010

Paul Verlaine (1844-1896) Élégies V Empty
MessageSujet: Paul Verlaine (1844-1896) Élégies V   Paul Verlaine (1844-1896) Élégies V Icon_minitimeMer 31 Aoû - 21:07

V
Incorrigible, toi. Mais c'est la destinée.
Voilà pourquoi mon coeur triste t'a pardonnée,
Mon coeur tendre, indolent et fol, et plus cruel. . .
Incorrigible, toi, selon l'ordre du Ciel,
Pour te punir toi-même et châtier mes fautes.
(Et tu t'acquittes bien de ces fonctions hautes.)
Incorrigible, toi, toi, c'est la faute au passé,
A ton passé brutal, misérable, insensé,
Comme le mien d'hier, car jadis je fus brave,
Je croyais fermement que tout m'était esclave
Et j'allais, insolent, turbulent, hasardeux,
Avec l'air, comme dit l'autre, d'en avoir cieux.
J'en avais deux, je t'en réponds, tu peux toi-même
Témoigner que j'en ai deux encor : l'un suprême,
Trop généreux, visant au mieux plutôt qu'au bien;
L'autre bas, quasiment d'un pitre ou d'un vaurien.
Puis le malheur m'a fait pareil aux autres hommes,
Sinon moindre, et voici qu'ayant croqué les pommes,
Il ne me reste que les pépins et la peau.
Bah! puisque je t'ai là, mon sort est le plus beau,
Ma part est la meilleure en ce monde d'une heure
Où l'amour seul nous éternise et seul demeure.
Mais toi, ma pauvre enfant, d'après tes francs aveux
Ou ta noble confession, comme tu veux,
Tu jouissais encore plus que moi de la vie :
Les hommes à genoux comblaient ta moindre envie,
Tu nageais dans l'argent et tu roulais sur l'or,
Et, pour te faire heureuse et belle mieux encor,
Une passion vraie et forte t'avait prise,
Qui t'exalta longtemps comme un bon vin qui grise,
Tu fus sublime tous ces ans. Tout ton effort
Te bandait vers cet homme, et lorsqu'un désaccord
Inévitable vint sur vous, Sapho naïve,
Tu fis le saut de. . . Seine et, depuis morte-vive,
Tu gardes le vertige et le goût du néant.
Je le vois bien à ton regard souvent béant,
Qui néanmoins s'allume et se fixe, moins sombre
Sur pauvre moi transi, palpitant dans ton ombre
Et que cet éclaircie a soudain réjoui.
Et nous voici, moi donc, l'amour épanoui,
Tendre, orageux, soumis, et toi la sympathie,
N'est-ce pas? laisse-moi le croire, ressentie
Pour tant d'affection offerte de ma part,
Mal peut-être, à travers des nerfs, d'un coeur hagard,
Mais tant! EL nous voici, victimes reposées,
Tous deux seuls, mais tous deux, aux rancunes brisées,
Las d'aventures, fous d'aimer et d'en souffrir,
Mais indulgents à nos ingrats, prêts à mourir
Mains dans la main, ainsi que tels vaincus, bons frères,
Opposant cordialement aux sorts contraires
La résignation de l'ultime amitié.
Tu vois, pour te complaire, ô meilleure moitié
De mon être, je bride et romps l'élan farouche
Vers tes sens de mes sens, et j'impose à ma bouche
Le silence des mots brillants et des baisers,
Et je voudrais, pour voir tes lourds deuils apaisés,
T'être un des frères dont je parlais tout à l'heure
Et que tu fusses une soeur pour qui je meure.
Ou je vive plutôt, faisant tout pour la paix
De la tristesse inexpugnable où tu te plais,
Quoi qu'en dise et qu'en fasse en son pieux manège,
La gaîté que tu feins, sachant qu'elle m'allège
Le fardeau lourd aussi de ma tristesse aussi,
O femme! ô soeur! ô tout mon précieux souci!
Incorrigibles, nous! d'être mélancoliques.
Seulement, toi, grand coeur fidèle sans obliques
Détours, mais aux soudains et foudroyants retours.
Tu saignes en ton dam d'antan saignant toujours.
Tu fais bien puisque ta vocation est telle.
Pourtant mon propre ennui, ma blessure immortelle,
Je les mets sous tes pieds. . . Fais-je bien, à mon tour?
Mais, tout en le domptant, je garde mon amour
Pour, du moins, être l'escabeau riche et funèbre
De ton amour à toi flottant dans la ténèbre
Et le rêve d'un abandon définitif.
Crois-m'en. Tout autre plan d'agir serait fautif.
Donc sans plus oublier l'ingrat, que je n'oublie
L'ingrate, aime-moi, va, tout mon coeur t'en supplie;
Aime mon sacrifice en moi, fais-moi ce don,
Et si tu ne le peux sans peine, ô toi, pardon!


Revenir en haut Aller en bas
 
Paul Verlaine (1844-1896) Élégies V
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Paul Verlaine (1844-1896) Élégies XI
» Paul Verlaine (1844-1896) Élégies XII
» Paul Verlaine (1844-1896) Élégies I
» Paul Verlaine (1844-1896) Élégies II
» Paul Verlaine (1844-1896) Élégies III

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: