XCII
A LA MÊME. II
Oui, soyons-nous poète et muse
Mais dans le mode familier,
Nous avons passé le millier
Des heures jeunes où l’on ruse
Pour faire croire aux bonnes gens
Dont on est le premier soi-même.
Qu’on n’aime en tout ça que l’extrême!
Fiers, paradoxaux, exigeants.
La vie avec sa vraie outrance
A pris soin de nous corriger
Du travers de nous rengorger,
Ne nous laissant de l’espérance
Rien que la simple illusion
D’être un couple encore sensible
Et ne livrant à notre cible
Qu’un but, la résignation!
Ce lot est préférable en somme.
A des appétits qu’il est bon,
Toi, veuve au fait, moi ce barbon,
De régler de sorte économe.
Profitons, puisqu’il en est temps-
De cette sagesse dont rage
Qui vient dote notre ménage.
Pour faire oeuvre de pénitents?
Que non pas! Fîmes-nous des crimes?
Pas mal de péchés voilà tout.
De ces péchés légers qu’absout
Le seul pardon de leurs victimes,
Et leurs victimes ce fut nous,
De ces victimes sans rancune.
Toi, reste encor longtemps ma brune.
Toujours la bonne qu’à genoux
Invoquent mes instants de doute,
De tristesse ou de désespoir,
Mon étoile dans le ciel noir,
L’auberge fraîche en l ’âpre route.
Moi devenu calme -ce n’est
Pas malheureux, car tant de frasques,
Et de rôles, sous que de masques!-
Je suis celui qui ne connaît
Et ne chante plus que les choses,
Et l’humanité qu’il convient.
La vérité seule me tient,
Soient ses aspects sombres ou roses.
Mes vers épris dorénavant,
De la raison mais de la saine
Ne déclameront plus en scène. . .
Ils vivront dans tout coeur vivant.