PLUME DE POÉSIES
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 Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Deuxième.

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Deuxième. Empty
MessageSujet: Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Deuxième.   Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Deuxième. Icon_minitimeMer 7 Sep - 21:42

Chant Deuxième.
Mourad-Bey.


ARGUMENT:
- El-Modhi, l’ange exterminateur.
- Il s’échappe d’Alexandrie et prend la route du Kaire.
- L’oasis d’Hellé.
- Description du palais et des jardins de Mourad-Bey.
- Scène nocturne de sérail.
- La captive persane.
- Arrivée imprévue d’El-Modhi.
- Son entrevue avec Mourad.
- Discours de l’ange exterminateur.
- Mourad rassemble ses Mamelucks et quitte son palais.
- L’armée française arrive sur les bords du Nil.
- Désastre d’Aboukir.


Seul de tous les vaincus, couvert d’une ombre amie,
Un arabe marchait dans la ville endormie;
Des emblêmes sanglans ornent son large sein,
Sur son dos retentit le carquois abyssin,
Et la peau d’un chakal, en turban déroulée,
Agite sur son front sa gueule dentelée.
Un qui vive perçant résonne; l’étranger
Précipite le pas de son cheval léger,
En s’écriant: « Tremblez, chrétiens, race infidèle!
Des cavaliers du Nil je vais armer le zèle;
Ils sont venus les jours par le Koran prédits!
L’Egypte se soulève, et moi je vous maudis! »
A ces mots, sous le feu dont il brave l’atteinte,
De la double muraille il a franchi l’enceinte,
Et dirige son vol, plus vite que l’oiseau,
Vers les lacs de Natroun et le Fleuve-sans-Eau.
Quel est son nom? Son nom, ineffable syllabe,
Se prononce tout bas dans la veillée arabe;
On dit qu’il fut créé pour de secrets desseins,
Sous les dunes d’Ammon ou chez les Abyssins;
Mais quel que soit le peuple où le sort le fit naître,
Dans le sein d’une femme il n’a pas reçu l’être;
Les esprits infernaux le protègent; on dit
Que le plomb des chrétiens sur son flanc nu bondit,
Qu’il charme les chakals, et que sa forte haleine
Arrête le boulet qui siffle dans la plaine.
Etre mystérieux et prophète imposteur,
Son nom est El-Mohdi, l’ange exterminateur.
Mais rien ne trouble encor le long repos du Kaire;
Autour de ses remparts la plaine est solitaire;
C’est l’heure où le soleil, immobile au zénith,
Des sépulcres épars embrase le granit.
Du désert de Ghizé la luisante poussière
Comme un miroir poli reflète la lumière,
Et le Bédouin qui suit le sentier sablonneux
Dans son poumon brûlant n’aspire que de feux.
Ah! du moins s’il pouvait, au centre de la plaine,
Pour éteindre l’ardeur qui sèche son haleine,
Respirer un instant l’abri délicieux
De l’oasis d’Hellé que dévorent ses yeux!
Mais la belle oasis, comme une île sacrée,
Aux esclaves du Nil interdit son entrée,
Et le fier Mameluck, despote souverain,
De ce riche domaine exclut le pèlerin.
C’est là que Mourad-Bey, sous de verts sycomores,
Au murmure éternel des fontaines sonores,
Sous de frais pavillons de cèdre et de santal,
Pare ses voluptés du luxe oriental.
Dans son divan pompeux le vent frais de l’Asie
Se glisse en agitant la verte jalousie;
Sur le marbre poli d’un vaste corridor
Rampent, en longs anneaux, les arabesques d’or;
L’iris, le basilic, la rose d’Idumée,
Forment de ses jardins la ceinture embaumée,
Et le frêle palmier de son large éventail
Ombrage avec amour les dômes du sérail.
Là, quittant sans témoins leurs tuniques de gaze,
Belles de nudité, les filles du Caucase,
Sous de secrets trésors promenant le miroir,
Préparent à Mourad les délices du soir;
Et lui, sur l’ottomane où sa langueur repose,
Enivré des parfums de cinname et de rose,
A ses ongles polis imprime le carmin;
Ou portant à sa lèvre un tube de jasmin,
Il brûle gravement la feuille opiacée
Que pour son doux seigneur cueille Laodicée.
Héros voluptueux qu’assiège un mol ennui,
Quel oe.il en ce moment reconnaîtrait en lui
Ce bey des Mamelucks, fils de la Circassie,
Qui nourrit de combats sa jeunesse endurcie?
Il languit au sérail; mais quand ce bras puissant
Se raidit pour venger la gloire du Croissant,
Ce bras dans la bataille, armé pour le Prophète,
Comme un hochet d’enfant fait voler une tête.
Ah! tant que ce beau jour luira sur l’horizon,
Qu’il goûte du harem le suave poison!
Le soleil de demain sera moins doux peut-être!
Qu’il soit heureux encor, ses femmes vont paraître!
Voici l’heure pudique où l’eunuque thébain,
Haletantes d’amour, les ramène du bain;
De jeunes icoglans, nés dans la Géorgie,
Rangent autour des murs l’éclatante bougie;
D’autres sur les divans sèment les doux coussins,
Portent les mets exquis sur de larges bassins,
Et jettent dans le vase où le tison pétille
Du sérail de Stambul l’odorante pastille.
Les femmes cependant, que le bey suit des yeux,
Marchaient sur les tapis d’un pas silencieux,
Quand au signal du maître un esclave d’Asie
Touche d’un doigt léger l’odalisque choisie;
La captive s’arrête, et deux eunuques blancs
Jusqu’aux pieds de Mourad guident ses pas tremblans.
Pour la première fois la timide Persane
Levait, dans le sérail, son voile diaphane;
Un vieux marchand d’Ormus, par Mourad appelé,
Ce matin l’a vendue aux eunuques d’Hellé.
Mourad a respiré son haleine amoureuse,
Plus douce qu’un parfum de l’Arabie-Heureuse;
L’ivresse dans son coe.ur fermente: il va saisir
Un sein tout palpitant de honte et de plaisir-
Tout-à-coup les éclats d’une voix inconnue
Ebranlent du sérail la sonore avenue;
L’Africain monstrueux, argus des corridors,
Répond par un cri rauque aux clameurs du dehors;
L’impétueux Mourad, qui de rage frissonne,
S’élance au vestibule où cette voix résonne;
Sur le seuil du palais il pose un pied hardi,
Et tressaille de joie en voyant El-Mohdi.
« Entre! » lui dit Mourad, et sa main familière
Ouvre de son divan la salle hospitalière.
« La paix soit avec toi, dit le sombre étranger;
Malheur à qui sommeille à l’heure du danger!
Tu règnes sur l’Egypte aujourd’hui, mais peut-être
L’Egypte dans trois jours aura changé de maître.
Les Francs ont envahi la terre des élus,
Alexandrie est prise, et Koraïm n’est plus!
La horde sacrilège, aux sables échappée,
Près des rives du Nil à cette heure est campée;
Elle approche du Kaire, et Mourad endormi
Sur des coussins de soie attend son ennemi!
-El-Mohdi, quel langage est sorti de ta bouche!
Qu’Allah sèche à l’instant cette main qui te touche,
Que mon nom soit rayé du livre de la loi,
Si le bruit d’un combat est venu jusqu’à moi!
Que veulent ces chrétiens? Vers mon riche domaine
Quel sultan les conduit? quel motif les amène?
-Ecoute, Mourad-Bey! les chrétiens en naissant
Sucent avec le lait la haine du Croissant,
Et Dieu les a maudits; sous les murs de leurs villes
Ils plantent des nopals et des figuiers stériles;
Leur Nil ne sort jamais de son canal étroit,
Leur ciel est nébuleux et leur soleil est froid.
Pareils à ces oiseaux convives de l’hyène,
Qui noircissent les airs de leurs ailes d’ébène,
Ils viennent dévorer l’Egypte; leur Sultan
Semble un grossier fellah sous son humble caftan,
Son corps frêle succombe au choc d’une bataille,
Et ton sabre debout dépasserait sa taille.
Maintenant, ô Mourad! recueille dans ton sein
Les suprêmes avis du prophète abyssin:
Arme tes Mamelucks; que l’Egypte assoupie
Se réveille avec eux contre une race impie!
Attends nos ennemis: Dieu te les livrera
Près des tombeaux détruits qui bordent Sakkara-
Et moi, je vais tirer le glaive de l’archange,
Le glaive zuphalgar qui punit et qui venge:
Plus de repos pour moi, je ne cueille en courant
Que le fruit du palmier, que l’onde du torrent:
Je franchis le Désert; du pacha de Syrie
J’appelle à ton secours la milice aguerrie;
Et les peuples de Tor, à ma voix réveillés,
Chasseront les chrétiens des bords qu’ils ont souillés.
Au sabre des élus El-Mohdi les condamne;
Sur eux et sur leurs fils, sur leur culte profane,
Anathême! Ils sauront que, pour leur châtiment,
Je suis sur Al-Borak tombé du firmament. »
Il dit; et, sans attendre une vaine réponse,
Comme l’esprit des nuits dans la plaine il s’enfonce.
Mourad frémit de rage à ces derniers accens:
Les rapides éclairs de ses yeux menaçans
Etincellent dans l’ombre, et sa voix qui résonne
Trouble de l’oasis le repos monotone;
A ces cris belliqueux, à ces accens connus,
Les Mamelucks épars accourent demi-nus;
Ils répondent de loin, et dans la solitude
On entend leurs coursiers hennir d’inquiétude;
Mourad, sur l’étalon que lui-même a sellé,
Donne un dernier regard au doux sérail d’Hellé;
Et comme un léopard forcé dans son repaire,
Il bondit en hurlant sur la route du Kaire.
Cette nuit même encore, au Désert échappé,
Sur les rives du Nil Bonaparte a campé.
Un écho prolongé qui sur le fleuve roule,
Son lugubre, pareil à la voix de la houle,
Pareil au timbre sourd qui dans l’air va mourir,
Porte aux soldats français le canon d’Aboukir-
Leur ame abandonnée à d’horribles présages
Imprime la terreur sur leurs pâles visages;
Et tous silencieux, tournés vers l’occident,
Montrent le ciel rougeâtre et l’horizon ardent.
Aux premières lueurs de l’aube, sur la rive,
Epuisé de sa course, un messager arrive;
La sueur et le sable ont souillé ses cheveux;
Aux humides lambeaux de ses vêtements bleus
Pendent les ancres d’or par les flammes noircies;
Aux légions du camp autour de lui grossies,
Il s’adresse; sa bouche exhale un faible son;
On n’entend que ces mots: Brueys, Aboukir, Nelson!
L’effroyable récit dans sa rauque poitrine
Expire, mais l’armée en tremblant le devine:
Bientôt elle apprendra qu’en cette nuit de deuil
La France peut trouver même un sujet d’orgueil;
On dit que ses marins, d’une voix étouffée,
Saluaient leur cocarde aux chapeaux agrafée,
Et près de s’engloutir dans les brûlantes eaux,
Clouaient les trois couleurs aux mâts de leurs vaisseaux.
Soldats, vous laverez ces désastreux vestiges!
Le sort veut vous contraindre à créer des prodiges;
Un cercle de périls autour de vous s’étend;
Aux plaines de Ghizé Mourad-Bey vous attend;
Nelson vous a fermé la barrière de l’onde.
Isolés dans l’Egypte et séparés du monde,
Pour revoir la patrie il vous reste un chemin:
C’est le champ de bataille; il s’ouvrira demain!


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Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Deuxième.
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