II. LA CROIX.
Au retour du combat, tout couvert de morsures,
Et songeant au danger qu'il venait de courir,
Quand le lutteur comptait ou sondait ses blessures
Et qu'il se demandait s'il n'allait pas mourir,
Il lui semblait alors, vers la hauteur céleste
S'il venait à lever son regard attristé,
Qu'aussitôt tant de trouble et de langueur funeste
Se changeait en espoir, en ivresse, en clarté.
Comme un point lumineux qu'en vain le brouillard voile,
Pascal, dans le lointain, sous un ciel sans étoile,
Tu t'imaginais voir un phare ensanglanté,
La Croix ! Elle élevait de loin ses bras funèbres
Où, livide, pendait ton Dieu même immolé.
Pour l'avoir aperçue à travers les ténèbres,
Tu te dis éclairé ; tu n'étais qu'aveuglé.
En proie aux visions d'une peur insensée,
Tu tÕélances vers Elle, implorant ton salut ;
Gloire, plaisirs, travaux, ta vie et ta pensée,
Tu jettes tout au pied d'un gibet vermoulu.
Nous te surprenons là, spectacle qui nous navre,
Te consumant d'amour dans les bras d'un cadavre,
Et croyant sur son sein trouver ta guérison.
Mais tu n'étreins, hélas ! qu'une forme insensible,
Et, bien loi d'obtenir un miracle impossible,
Dans cet embrassement tu laissas ta raison.
La Croix a triomphé ; ta défaite est complète ;
Oui ! te voilà vaincu, subjugué, prosterné.
Au lieu comme autrefois d'un héroïque athlète,
Nous n'avons sous les yeux qu'un pauvre halluciné.
Comment ? tant de faiblesse après tant de vaillance !
Puisqu'entre ces trépas tu pouvais faire un choix,
N'eût-il pas mieux valu périr sans défaillance
Dévoré par le Sphinx qu'écrasé sous la Croix ?