À MADAME LA COMTESSE A. H.
Sur ma lyre, l'autre fois
Dans un bois,
Ma main préludait à peine,
Une colombe descend
En passant,
Blanche sur le luth d'ébène.
Mais au lieu d'accords touchants,
De doux chants,
La colombe gémissante me demande par pitié
Sa moitié,
Sa moitié loin d'elle absente.
SAINTE.BEUVE.
Oh ! quel que soit le rêve, ou paisible, ou joyeux,
Qui dans l'ombre à cette heure illumine tes yeux,
C'est le bonheur qu'il te signale ;
Loin des bras d'un époux qui n'est encor qu'amant,
Dors tranquille, ma soeur ! passe-la doucement,
Ta dernière nuit virginale !
Dors : nous prierons pour toi, jusqu'à ce beau matin !
Tu devais être à nous, et c'était ton destin,
Et rien ne pouvait t'y soustraire.
Oui, la voix de l'autel va te nommer ma soeur ;
Mais ce n'est que l'écho d'une voix de mon coeur
Qui déjà me nommait ton frère.
Dors, cette nuit encor, d'un sommeil pur et doux !
Demain, serments, transports, caresses d'un époux,
Festins que la joie environne,
Et soupirs inquiets dans ton sein renaissant,
Quand une main fera de ton front rougissant
Tomber la tremblante couronne !
Ah ! puisse dès demain se lever sur tes jours
Un bonheur qui jamais ne s'éclipse, et toujours
Brille, plus beau qu'un rêve même !
Vers le ciel étoilé laisse monter nos voeux.
Dors en paix cette nuit où nous veillons tous deux,
Moi qui te chante, et lui qui t'aime !