PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel.

Aller en bas 
AuteurMessage
James
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
James


Masculin
Dragon
Nombre de messages : 152463
Age : 60
Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières
Date d'inscription : 04/09/2007

Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel.   Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Icon_minitimeDim 18 Sep 2011 - 14:32

La philosophie ose escalader le ciel.
Triste, elle est là. Qui donc t' a bâtie, ô Babel ?
Oh ! Quel monceau d' efforts sans but ! Quelles spirales
de songes, de leçons, de dogmes, de morales !
Ruche qu' emplit de bruit et de trouble un amas
de mages, de docteurs, de papes, de lamas !
Masure où l' hypothèse aux fictions s' adosse,
ayant pour toit la nuit et pour cave la fosse ;
bleus portiques béants sur les immensités,
de tous les tourbillons des rêves visités ;
vain fronton que le poids de l' infini déprime,
espèce de clocher sinistre de l' abîme
où bourdonnent l' effroi, la révolte, et l' essaim
de toutes les erreurs sonnant leur noir tocsin !
Et, comme, de lueurs confusément semées,
par les brèches d' un toit s' exhalent des fumées,
les doctrines, les lois et les religions,
ce qu' aujourd' hui l' on croit, ce qu' hier nous songions,
tout ce qu' inventa l' homme, autel, culte ou système,
par tous les soupiraux de l' édifice blême,
à travers la noirceur du ciel morne et profond,
toutes les visions du genre humain s' en vont,
éparses, en lambeaux, par les vents dénouées,
dans un dégorgement livide de nuées.
Temple, atelier, tombeau, l' édifice fait peur.
On veut prendre une pierre, on touche une vapeur.
Nul n' a pu l' achever. Pas de cycle ni d' âge
qui n' ait mis son échelle au sombre échafaudage.
Qui donc habite là ? C' est tombé, c' est debout ;
c' est de l' énormité qui tremble et se dissout ;
une maison de nuit que le vide dilate.

p80

Pyrrhon y verse l' eau sur les mains de Pilate ;
le doute y rôde et fait le tour du cabanon
où Descartes dit oui pendant qu' Hobbes dit non ;
les générations sous le gouffre des portes
roulent, comme, l' hiver, des tas de feuilles mortes ;
les escaliers, sans fin montés et descendus,
sont pleins de cris, d' appels, de pas sourds et perdus
et d' un fourmillement de chimères rampantes ;
des oiseaux effrayants volent dans les charpentes ;
c' est Bouddha, Mahomet, Luther disant : allez !
Lucrèce, Spinosa, tous les noirs sphinx ailés !
Tout l' homme est sculpté là. Socrate, Pythagore,
Malebranche, Thalès, Platon aux yeux d' aurore,
combinent l' idéal pendant que Swift, Timon,
ésope et Rabelais pétrissent le limon.
Est-il jour ? Est-il nuit ? Dans l' affreux crépuscule
le rhéteur grimaçant ricane et gesticule ;
on ne sait quel reflet d' un funèbre orient
blanchit les torses nus des cyniques riant,
et des sages, jetant des ombres de satyres ;
le devin rêve et tord dans les cordes des lyres
le laurier vert mêlé de smilax éternel.
Chaque porche entr' ouvert découvre un noir tunnel
dont l' extrémité montre une idéale étoile ;
comme si, --tu le sais, isis au triple voile, --
ces antres de science et ces puits de raison,
souterrains de l' esprit humain, sans horizon,
sans air, sans flamme, ayant le doute pour pilastre,
employaient de la nuit à faire éclore un astre,
et le mensonge impur, difforme, illimité,
vaste, aveugle, à bâtir la blanche vérité !
Partout au vrai le faux, lierre hideux, s' enlace ;
pas de dogme qui n' ait son point faible, et ne lasse
une cariatide, un support, un étai ;
Thèbe a pour appui l' Inde, et l' Inde le Cathay ;
Memphis pèse sur Delphe, et Genève sur Rome ;

p81

et, végétation du sombre esprit de l' homme,
on voit, courbés d' un souffle à de certains moments,
croître entre les créneaux des hauts entablements
des arbres monstrueux et vagues dont les tiges
frissonnent dans l' azur lugubre des vertiges.
Et de ces arbres noirs par instants tombe un fruit
à la foule des mains ouvertes dans la nuit ;
quel fruit ? Demande au vent qui hurle et se déchaîne !
Quel fruit ? Le fruit d' erreur. Quel fruit ? Le fruit de haine ;
la pomme d' ève avec la pomme de Vénus.
ô tour ! Construction des maçons inconnus !
Elle monte, elle monte, et monte, et monte encore,
encore, et l' on dirait que le ciel la dévore ;
et tandis que tout sage ou fou qui passe met
une pierre de plus à son brumeux sommet,
sans cesse par la base elle croule et s' effondre
dans l' ombre où Satan vient avec Dieu se confondre ;
gouffre où l' on n' entend rien que le vent qui poursuit
ces deux larves au fond d' un tremblement de nuit !

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Une_pa12Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Plumes19Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Miniat14Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. James_12Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Confes12

Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel. Sceau110
Revenir en haut Aller en bas
https://www.plumedepoesies.org
 
Victor HUGO (1802-1885) La philosophie ose escalader le ciel.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Victor HUGO (1802-1885) Philosophie
» Victor HUGO (1802-1885) Philosophie des sacres et couronnements
» Victor HUGO (1802-1885) Ah! la philosophie est vorace! il lui faut
» Victor HUGO (1802-1885) Le feu du ciel
» Victor HUGO (1802-1885) I De la femme au ciel

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: