PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I

Aller en bas 
AuteurMessage
James
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
James


Masculin
Dragon
Nombre de messages : 152364
Age : 60
Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières
Date d'inscription : 04/09/2007

Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I   Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Icon_minitimeDim 18 Sep - 15:03

LA FEMME , LES DEUX TROUVAILLES DE GALLUS , MARGARITA ,



SCENE PREMIERE .

Ils entrent par la porte du fond. Le duc, élégant, beau,
grisonnant, environ cinquante ans,
avec la prétention de n' en paraître que quarante. Il a un
pardessus de voyage. Gunich est
vieux.
Le duc gallus.
Que sais-tu d' elle ?
Gunich.
Rien. --son nom, c' est tout. Nella.
Le duc gallus.
Tes talents d' espion ont été jusque-là !
Il regarde autour de lui le délabrement.
Donc, c' est dans ce taudis qu' habite cette fille !
Gunich.
Avec son père.
Le duc gallus.
Seule en ce burg !



Gunich.
Sans famille.
Le duc gallus.
Elle a tous les attraits, me dis-tu.
Gunich, saluant.
Réunis.
Le duc gallus.
Le plus beau des oiseaux dans le plus laid des nids !
Regardant dans la salle.
Personne.
Il frappe du pied sur le pavé et heurte le marteau sur la porte.
On ne vient pas. --entrons.
Ils avancent de quelques pas. Il hausse la voix et appelle.
à la boutique !
Silence et solitude dans le burg.
Le duc Gallus regarde de toutes parts si personne ne paraît.
Gunich le suit jusque sur le devant du théâtre.
Gunich.
Souffrez que je vous parle un moment politique.
Altesse, en attendant, votre neveu grandit.
Le duc gallus.
Il ne me gêne point, puisqu' il reste inédit.
Gunich.
Ces complications sont fâcheuses en somme.
Moi, j' eusse, monseigneur, supprimé le jeune homme.
Tout ou rien. Pourquoi faire une chose à demi ?
Le duc gallus.
Et l' adoucissement des moeurs, mon cher ami !
On prend une couronne, et l' on n' est pas hostile.
Mon frère laisse un fils. Tuer l' enfant ! Vieux style.



Fi ! C' est de mauvais goût. On usurpe aujourd' hui
avec indulgence.
Gunich.
Humpf !
Le duc gallus.
Mon frère mort, l' ennui
me prit. être sujet d' un marmot, c' était rude ;
je fis je ne sais plus trop quelle platitude
à Kaunitz, et je fus reconnu duc régnant.
Je me débarrassai du mioche en l' éloignant.
Dans ces bois, comme fils d' un vieux maître de forge,
je l' ai fait élever. C' est l' étudiant George.
Point de dégât. J' ai mis dans ces monts, purs sommets,
mon prince légitime en sevrage à jamais.
Incognito, tout seul avec toi, sans escorte,
je viens de temps en temps voir comment il se porte.
Il ne se doute pas qu' il est duc.
Gunich.
C' est profond,
mais doux.
Le duc gallus.
Les rois se font, mon cher, et se défont.
Gunich.
Humpf !
Le duc gallus.
Ce que nous nommons nos droits, nous autres princes,
sont-ce des droits ? Oui. Non. Puisque j' ai les provinces,
je les garde. Elles sont à mon neveu, mais quoi !
étant un peu larron, je suis d' autant plus roi !
Le premier qui fut roi fut un voleur sans juges.
Bah ! Tout est bien, les bois sont d' augustes refuges,
ce garçon est vivant, les nids chantent, les cieux
sont sur nous. Quant à moi, je règne de mon mieux ;
j' ai brisé les vieux jougs et les vieilles bricoles,



supprimé la potence, ouvert beaucoup d' écoles,
diminué l' impôt, semé le vrai, dissous
l' erreur, et je n' ai pas de remords pour deux sous.
Je tolère dans l' ombre un neveu qui s' ignore.
Claudius de Hamlet guette la pâle aurore,
mais il est Claudius et l' enfant est Hamlet.
Moi, nul spectre ne vient me saisir au collet.
Ce que j' ai, c' est l' ennui. Le trône, triste proie !
Sais-tu ce que je suis ? Un pauvre homme de joie.
Plutôt bon que mauvais ; très canaille ; occupé,
mais oisif ; fort penaud. Comme on est attrapé !
L' ambitieux pensif, usurpateur en herbe,
dit en préméditant le trône : --c' est superbe !
On est le maître ; on a le budget plein les mains ;
le prince resplendit, regardé des humains,
au-dessus de la terre ; il est dans la comète !
Vite, ôte-toi de là, petit, que je m' y mette ! --
c' est bon, j' ai pris la place, et je règne. à quel prix !
Quel néant ! Un respect qui ressemble au mépris ;
voir le fiel dans les coeurs et le miel sur les langues ;
une dorure, pas solide ; des harangues ;
des valets ; point d' amis ; de faux éphestions ;
des malédictions, des indigestions ;
des Te Deum chantés par des prêtres athées ;
du fracas, des grandeurs vaguement insultées
par cette conscience énorme des vivants,
sombre sous les rois, comme une mer sous le vents ;
en chasse, en guerre, un tas de flatteurs déshonnêtes
vous aidant à viser les peuples et les bêtes ;
les vastes bâillements du cérémonial ;
beaucoup d' enterrement mêlé d' un peu de bal ;
le rang suprême, un mot ; le pouvoir, un problème ;
ne jamais être sûr qu' une femme vous aime ;
voilà ce qu' on usurpe, ami. --si j' avais su !
Gunich.
Vous êtes triomphant, grand, couronné...



Le duc gallus.
Déçu.
Ah ! De la chose sceptre et de la chose trône,
j' en suis revenu, va. J' y tiens peu. Pas de prône
plus sot que l' étiquette, et pas d' orgueil plus creux.
C' est un art des puissants de n' être pas heureux.
Ils appellent cela la majesté. C' est bête.
Trop de couronne, hélas, fait qu' on n' a plus de tête.
Sais-tu ce qui serait mon goût ? Vivre à Paris.
Rome a son carnaval, Stamboul a ses houris,
mais Paris ! Oui, c' est là qu' il faudrait que je vinsse
pour être un chenapan sans cesser d' être un prince.
Un chenapan, vois-tu, c' est un sage gouailleur
que Paris seul produit, qui rit, cueille la fleur
et la fille, est féroce au plaisir, vit, s' attable,
chante, danse, extermine, affreux gueux, et bon diable.
Le scrupule en un coin de son coeur se tient coi.
être ça, c' est vraiment exister. C' est pourquoi,
quand je pense à Paris, je me dis : c' est la ville !
Là le mal n' est pas laid, la fange n' est pas vile !
Jamais comme à Paris les gens d' esprit n' ont pu
savourer le parfum d' un éden corrompu ;
Paris gâte la femme et l' homme, et les attaque
par tout le paradis que peut faire un cloaque.
J' aime Paris, de vice et de grandeur pavé.
N' y songeons pas. Je suis à mon sceptre rivé.
Je suis le patient du trône. Roi, je bâille.
Ah ! N' être qu' un bourgeois, quel bonheur ! On ripaille,
on s' amuse, on se vautre, amis, du vin, du rhum,
du gin ! Et pas d' altesse, et pas de décorum,
on boit, la joie accourt et se livre en personne,
et vous la possédez ! Sais-tu que je grisonne ?
Gunich.
Mais...
Le duc gallus.
Je grisonne ! --or, j' ai, par-dessus le marché,

p134

le désir bienveillant de commettre un péché.
Quel péché ? Le meilleur, le grand, le vrai, l' unique.
L' amour. Attention. Mon coeur se communique.
Tout ce que le destin offre, j' en ai voulu ;
ce sac, je l' ai vidé ; ce livre, je l' ai lu.
Eh bien, Gunich, le fond du sort, le but de l' homme,
c' est Elle !
Gunich.
Elle ? Qui donc ?
Le duc gallus.
Elle ! Celle qu' on nomme
Plaisir, Tourment, Enfer et Ciel, Bien, Mal, Oui, Non.
Elle ! En Grèce Aspasie. Elle ! En France Ninon.
écoute, ô confident du prince ! Combler d' aise
quelque fille sans coeur, sans préjugés, mauvaise,
charmante, aux grands yeux bleus, ou noirs, se portant bien ;
avoir ma Pompadour comme un roi très chrétien,
je prémédite ça ! Mille défauts, pas veuve,
et je la cherche aux bois pour l' avoir toute neuve.
Tel est mon idéal. L' ennui, j' en fais l' aveu,
me ronge, je confie au bon Dieu mon neveu,
et moi, de mon côté, je vais à l' aventure ;
je suis un coeur errant quêtant sa nourriture.
Vois, je bâille. J' ai faim. Je n' ai rien sous la dent.
Je voudrais rencontrer quelque être indépendant
dont je sois le despote et qui me mène en laisse ;
je cherche cette chose exquise : une drôlesse.
Gunich.
Monseigneur, ce n' est point impossible à trouver.
Le duc gallus.
Mais je la veux sauvage.
Gunich.
Il la faudra rêver,



en ce cas, --c' est un peu de complaisance à mettre, --
et ne pas prendre trop votre rêve à la lettre.
Sauvage presque.
Le duc gallus.
ô lacs, ô montagnes, qu' emplit
le grand songe orageux du torrent dans son lit,
du hallier, de la source, et de la bête fauve,
où l' antre vaguement s' arrondit en alcôve,
où Pan se remarie et change de maisons
avec les douze mois et les quatre saisons,
espaces que la nuit ensemence d' étoiles,
ronces où l' araignée ourdit ses sombres toiles,
j' accours, je viens sonder vos abîmes profonds ;
dégoûté des bourreaux, et même des bouffons,
accablé de respect, obsédé de richesse,
las de cet à peu près qu' on nomme une duchesse,
blasé, mais confiant, ivre du grand concert,
je viens chercher Vénus toute nue au désert,
je tends les bras vers vous, bois, monts, épithalame !
ô nature, un sourire ! ô forêts, une femme !
Gunich.
ô forêts, une vierge !
Le duc gallus.
Oui, vierge. J' y consens.
Un démon vierge ! Un être aux penchants malfaisants
ayant l' aspect du lys que la nature encense !
Laïs Agnès ! Le monstre à l' état d' innocence !
C' est curiosité, rien de plus ; mais j' aurais
cet appétit. La touffe épaisse des forêts
contient tout ; fleurs, venins. Ami, gagner le quine
d' un ange contenant en germe une coquine !
Comprends-tu ? L' observer ! Voir aboutir au mal
l' innocence à tâtons dans l' instinct animal,
peser dans la vertu ce que la chair en ôte,
assister dans une âme à l' aube de la faute,



je ne suis pas méchant, mais j' aimerais ce jeu.
Moi, des crimes, fi donc ! Mais des vices, parbleu !
Quel plaisir, se gratter du doigt la boîte osseuse,
et se dire tout bas : bon ! Elle est paresseuse,
elle hait le travail, elle aime les bijoux,
elle me trompera pour d' affreux sapajous,
elle est chaque jour pire, elle est chaque jour moindre,
elle sent avec joie en elle Phryné poindre,
elle ignore l' honneur, le devoir, la raison ;
elle a l' éclosion sinistre du poison !
Se dire : de farouche elle devient servile,
la faunesse des champs est catin à la ville,
Néère tourne mal et se change en Lola,
assez déesse ici pour être diable là !
Elle a des yeux profonds de plus en plus funèbres,
c' est une gueuse, ô joie ! Et voir, dans les ténèbres,
lentement, dépouillant tout voile, tout remord,
toute pudeur, avec le regard de la mort,
sombre comme Astarté, blanche comme Suzanne,
de la vierge au front pur sortir la courtisane !
Et se dire : c' est bien ! Je vais la dévorer !
Le tout pour rire.
Gunich.
Au fait, c' est gai.
Le duc gallus.
Flâner, errer,
se refaire le coeur !
Gunich.
Bravo.
Le duc gallus.
J' ai des nausées
des femmes qui chez nous naissent apprivoisées.
Cet immense plaisir, corrompre, on ne l' a pas.
Leur fuite est l' art savant de faire tous les pas.
Ces prudes ! La Macette est dans la Cidalise.

p137

Elles baissent les yeux en sortant de l' église ;
elles prennent pour rien des airs majestueux ;
leur croupe se recourbe en replis vertueux.
Moi qui sais le tarif, voir ces saintes-nitouches
s' offrir dans l' ombre en vente et faire les farouches,
ça m' assomme. Et je viens chercher en d' autres lieux
quelque chose de pis, c' est-à-dire de mieux.
Je viens ici, parmi les ignorances franches,
parmi l' échange obscur des baisers sous les branches,
parmi les impudeurs naïves, faire un choix.
L' acclimatation d' une femme des bois
à la cour, c' est mon rêve, ami !
Gunich.
Si, par prodige,
vous la trouvez...
Le duc gallus.
Je veux la dévorer, te dis-je.
Gunich.
Je vois ce qu' il vous faut, une femme à croquer.
Le duc gallus.
Je m' ennuie !
Gunich.
Il serait étrange de manquer
de femmes quand on est prince.
Le duc gallus.
Si, d' aventure,
nous allions déterrer ici la créature !
Je l' espère !
Gunich.
Et le crois. Grattons du bec le sol.
Une allemande avec un regard espagnol
habite en ce burg.
Regardant au dehors par une des fenêtres ruinées.
Tiens, à point nommé, c' est elle !



Le duc gallus. Regardant par la même fenêtre, avec un geste de
stupeur.
Et c' est lui !
Gunich.
Duo.
Le duc gallus.
C' est mon neveu !
Gunich.
C' est la belle !
Le duc gallus.
çà, que fait-il céans ?
Gunich.
Dame ! Il est prétendant.
Je ne suis pas du tout surpris de l' incident.
Vous l' avez dans ces bois mis avec soin vous-même.
Il flâne. Il est vivant, il en profite. Il aime.
Rapportez-vous-en donc aux jocrisses locaux !
Je m' étais renseigné près de tous les échos,
j' ignorais ce détail. Chimène a son Rodrigue.
Je comprends. La nature est une immense intrigue ;
il aura rencontré la belle, par hasard.
Le hasard, monseigneur, quel dieu ! Mais quel gueusard !
Dans les bois on a droit à l' églogue ; l' eau coule,
l' air souffle, on est garçon et fille, et l' on roucoule.
Il regarde par la fenêtre.
Ce vieux burg est ainsi construit qu' ils sont forcés
de suivre les remparts tout le long des fossés.
Montrant la porte qui ouvre sur l' escalier.
Vous allez les revoir sortir par la tourelle.
Le duc gallus.
Ah çà, mais me voilà jaloux !
Gunich.
Et de qui ?



Le duc gallus.
D' elle !
De lui !
Gunich.
Vous allez vite en besogne. Comment,
vous avez vu, de loin, cette belle, un moment,
prince, et voilà le feu qui prend à votre altesse !
Le duc gallus.
être vite amoureux, c' est de la politesse.
Et puis, chacun son genre, ami. C' est ma façon,
à moi, de me hâter de perdre la raison.
Gunich.
Faites.
Il rit.
Le duc gallus.
Quoi ! L' on m' indique en ce donjon sinistre
une belle ! J' accours, et tu ne veux pas, cuistre,
dadais, triple crétin, qu' en ce pays de loups
j' enrage, et que je sois furieux et jaloux !
Je trouve mon neveu qui courtise la dame !
Gunich.
Vous usurpez le trône, il usurpe la femme.
Carambolage.
Le duc gallus.
Il a la bride sur le cou.
N' étant pas roi, qu' a-t-il besoin d' un garde-fou ?
En fait de liberté jamais je ne lésine.
Il est étudiant ici près ; il voisine.
Il était sur la piste avant moi. C' est flagrant.
Mais, bah ! Je lutterai. Sais-tu qu' il est fort grand,
ce petit ?
Gunich.
C' est un homme.



Le duc gallus.
En outre il a l' astuce
d' être beau.
Gunich.
Prétendant à deux tranchants.
Avec un sourire.
Je l' eusse
supprimé.
Le duc gallus.
Ce garçon est deux fois mon rival.
Gunich.
Droit, mince, il doit avoir bonne mine à cheval.
Le duc gallus.
En politique il a son droit, et près des femmes
sa figure.
Gunich.
Il fallait, lorsque nous triomphâmes,
en finir de l' enfant. Certe, ainsi nous eussions
dans leur source extirpé les révolutions.
L' obscure pression des successeurs possibles
trouble un règne ; un amas d' incidents invisibles
se forme, et le pouvoir ne peut se maintenir.
Qui veut régner doit faire eunuque l' avenir.
Monseigneur, on verrait du fait qui vous tracasse
rire Machiavel.
Le duc gallus.
Et plus encor Boccace.
Oh ! Ce George ! Abuser de ce qu' il n' est pas roi
pour aimer, profiter de son retrait d' emploi
pour me prendre ma place ici. Quelle canaille !
Dois-je persévérer ? Faut-il que je m' en aille ?
Conclusion : je suis dans un bois, et volé.
Cupidon à Jupin escroque Sémélé.
George est dans le réel, moi je suis dans le rêve.



Satan, jadis, prit-il Adam ? Non. Il prit ève.
Adam, c' est la puissance, ève est l' amour. Satan,
entre les deux façons qu' on a d' être sultan,
choisissait la meilleure en s' adjugeant la femme.
Moi, j' ai fait le contraire. à présent je réclame.
Trop tard. Empanaché, bardé d' un grand cordon,
je suis Mamamouchi battu par Céladon.
Mon neveu rit, je règne ; il vit, je me lamente,
et j' enrage. Et je vois dans ses mains mon amante
au pillage. J' ai l' ombre, il a la proie. Et moi,
morbleu, je me sens dupe à force d' être roi !
Gunich.
Prince, vous êtes l' aigle, et vous planez.
Le duc gallus.
Sans joie.
Le prince est un niais puissant ; l' aigle est une oie.
Les palais, la fanfare, et les arcs triomphaux,
l' amour des sujets, l' or, le faste, c' est du faux ;
le trône nous enferme en son cercle héraldique ;
celui qu' on aime est roi ; celui qui règne abdique.
Donc, voyant le garçon, beau, jeune, épris, pas vieux...
Gunich.
Vous en êtes jaloux...
Le duc gallus.
Non. J' en suis envieux !
Vois-tu, l' heureux c' est lui, moi je suis l' imbécile.
Je changerais fort bien avec lui.
Gunich.
C' est facile.
Le duc gallus.
Non, s' il est aimé.
Gunich.
Quoi ! Vous tremblez, vous !



Le duc gallus.
Moqueur !
Gunich.
Vous, prince !
Le duc gallus.
On prend un trône, on ne prend pas un coeur.
Pourtant je lutterai.
Gunich.
Mais il est d' autres femmes.
Le duc gallus.
Non.
Surprenant un ricanement de Gunich.
Sous ta flatterie on sent tes épigrammes.
Tu penses que je suis inepte. Je te dis
que mes aïeux livraient bataille un contre dix,
qu' étant grison, je dois affronter ce jeune homme,
que j' ignore comment cette fille se nomme,
que j' ai marché dans l' herbe et bu dans les ruisseaux,
que depuis ce matin j' entends un tas d' oiseaux
qui font l' amour dans l' ombre au-dessus de ma tête,
que George est bien plus fort que moi, puisqu' il est bête,
du moins je le suppose en voyant son succès,
que je devrais m' enfuir si je réfléchissais,
que puisque cette fille habite une masure
elle rêve un palais, qu' elle est vaine, peu sûre,
coquette, pauvre, avec des fleurs dans ses cheveux,
et que c' est pour cela, butor, que je la veux !
Je te dis qu' il n' est pas d' autre femme sur terre.
Gunich.
Le couple se croit seul en ce burg solitaire,
observons-les. J' entends dans l' escalier des pas.
Ce sont eux. Les voilà de retour ici-bas.
Le duc gallus.
Que de choses seront à la mort révélées !



On saura le secret du vent, des giboulées,
des roses, de l' instinct féminin et viril,
des madrigaux dont est formé le mois d' avril !
L' oeil tourné vers l' escalier.
Ils descendent du ciel en effet. Quelle ivresse,
être deux amoureux ! Que Chloé soit traîtresse,
qu' importe ! Daphnis bête est un heureux berger.
Paraissent George et Nella. Ils descendent l' escalier de la
tourelle, George le premier,
donnant la main à Nella. Le duc Gallus et Gunich se retirent
en arrière
de la tourelle, de façon à n' être pas aperçus. De ce recoin, le
duc ne voit que
George. Nella reste sous la porte de la tourelle debout sur la
dernière marche
de l' escalier. Le duc contemple la bonne mine de George.
Décidément, vingt ans, c' est charmant. C' est léger.
George est beau.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Une_pa12Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Plumes19Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Miniat14Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I James_12Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Confes12

Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I Sceau110
Revenir en haut Aller en bas
https://www.plumedepoesies.org
 
Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne I
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne II
» Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne III
» Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus scéne IV
» Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus Acte premier Lison scéné première
» Victor HUGO (1802-1885) La femme , les deux trouvailles de Gallus Acte deuxième La marquise Zabeth scène II

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: