Oh ! Qu' il croisse ! Qu' il monte aux cieux où sont les flammes
!
Qu' il ait toujours moins d' ombre et toujours plus d' azur,
cet arbre, en qui, pieux, penchés, vidant nos âmes,
nous mettons tout l' homme futur !
Qu' il ait la majesté des étoiles profondes
au-dessus de sa tête, et sous ses pieds les flots !
Et qu' il soit moins ému du murmure des mondes
que des chansons des matelots !
Qu' il soit haut comme un phare et beau comme une gerbe !
Qu' il soit mobile et fixe, et jeune, même vieux !
Qu' il montre aux rocs jaloux son ondoiement superbe,
sa racine aux flots envieux !
Qu' il soit l' arbre univers, l' arbre cité, l' arbre homme !
Et que le penseur croie un jour, sous ses abris,
entendre en ses rameaux le grand soupir de Rome
et le grand hymne de Paris !
Que, l' hiver, lutteur nu, tronc fier, vivant squelette,
montrant ses poings de bronze aux souffles furieux,
tordant ses coudes noirs, il soit le sombre athlète
d' un pugilat mystérieux !
Car l' orage est semblable au sort qui se déchaîne,
la vie est un guerrier, les vents sont des bourreaux,
et traitent sous les cieux le héros comme un chêne,
et le chêne comme un héros.
Qu' il abrite la fleur rampante sur le sable !
Qu' il couvre le brin d' herbe et le myosotis !
Qu' il apparaisse aux vents déchaînés, formidable
de sa bonté pour les petits !
Que rien ne le renverse et que rien ne le ploie !
Qu' il soit, sur ce rivage âpre et des vents battu,
la touffe frémissante et forte de la joie,
de l' audace et de la vertu !
Qu' il réjouisse, auguste, aux rayons pénétrable,
de son fourmillement de feuilles le ciel bleu !
Qu' il vive ! Qu' il soit un et qu' il soit innombrable
comme le peuple et comme Dieu !