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 Victor HUGO (1802-1885) O Muse, contiens-toi! muse aux hymnes d'airain!

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Victor HUGO (1802-1885) O Muse, contiens-toi! muse aux hymnes d'airain! Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) O Muse, contiens-toi! muse aux hymnes d'airain!   Victor HUGO (1802-1885) O Muse, contiens-toi! muse aux hymnes d'airain! Icon_minitimeLun 19 Sep 2011 - 19:46

O Muse, contiens-toi! muse aux hymnes d'airain!
Muse de loi juste et du droit souverain!
Toi dont la bouche abonde en mots trempés de flamme,
Etincelles de feu qui sortent de ton âme,

Oh! ne dis rien encore et laisse-les aller!
Attends que l'heure vienne où tu puisses parler.
Endure le spectacle en vierge résignée.
Qu'à peine un mouvement de ta lèvre indignée.
Révèle ton courroux au fond du coeur grondant.
Dans ce siècle où chacun, noyant ou fécondant,
Se répand au hasard comme l'eau d'un orage,
Où l'on ne voit partout qu'impuissance et que rage,
Qu'inutiles fardeaux qu'on s'obstine à rouler,
Que Samsons écrasés sous ce qu'il font crouler,
Le plus fort est celui qui tient sa force en bride.
L'océan quelquefois montre à peine une ride.
Jusqu'au jour d'éclater, plus proche qu'on ne croit,
Ne te dépense pas. Qui se contient s'accroît.

Aie au milieu de tous l'attitude élevée
D'une lente déesse à punir réservée,
Qui, recueillant sa force ainsi qu'un saint trésor,
Pourrait depuis longtemps et ne veut pas encor!

Va cependant! - contemple et le ciel et le monde.
Et que tous ceux qui font quelque travail immonde,
Que ces trafiquants vils épris d'un sac d'argent,
Que ces menteurs publics, au langage changeant,
Pleins de méchanceté dans leur âme hypocrite
Et dorés au dehors de quelque faux mérite,
Toux ceux, grands et petits, que marque un sceau fatal,
Que l'envieux bâtard accroupi dans le mal,
Que ce tribun valet, plus lâche qu'une femme,
Qui dans les carrefours vend sa parole infâme,
Toujours prêt pour l'or à souffleter la loi,
Forgeant l'émeute au peuple ou la censure au roi,
Que l'ami faux par qui la haine s'ensemence,
Et ceux qui nuit et jour occupent leur démence
D'une orgie effrontée au tumulte hideux,
Te regardent passer tranquille au milieu d'eux,
Saluant gravement les fronts que tu révères,
Muette, et l'oeil pourtant plein de choses sévères!
Fouille ces coeurs profonds de ton regard ardent.
Et que, lorsque le peuple ira se demandant:
- Sur qui donc va tomber, dans la foule éperdue,
Cette foudre en éclairs dans ses yeux suspendue? -
Chacun d'eux, contemplant son oeuvre avec effroi,
Se dise en frissonnant: C'est peut-être sur moi!

En attendant, demeure impassible et sereine.
Qu'aucun pan de ta robe en leur fange ne traîne;
Et que tous ces pervers tremblent dès à présent
De voir auprès de toi, formidable, et posant
Son ongle de lion sur ta lyre étoilée,
Ta colère superbe à tes pieds muselée!

6 septembre 1836.

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