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 Victor HUGO (1802-1885) Ces coquins vils qui font de la France une Chine

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Ces coquins vils qui font de la France une Chine   Victor HUGO (1802-1885) Ces coquins vils qui font de la France une Chine Icon_minitimeMar 20 Sep - 12:31

Carte d'Europe

Des sabres sont partout posés sur les provinces.
L'autel ment. On entend ceux qu'on nomme les princes
Jurer, d'un front tranquille et sans baisser les yeux,
De faux serments qui font, tant ils navrent les âmes,
Tant ils sont monstrueux, effroyables, infâmes,
Remuer le tonnerre endormi dans les cieux.

Les soldats ont fouetté des femmes dans les rues.
Où sont la liberté, la vertu ? disparues !
Dans l'exil ! dans l'horreur des pontons étouffants !
Ô nations ! où sont vos âmes les plus belles ?
Le boulet, c'est trop peu contre de tels rebelles ;
Haynau dans les canons met des têtes d'enfants.

Peuple russe, tremblant et morne, tu chemines ;
Serf à Saint-Pétersbourg, ou forçat dans les mines.
Le pôle est pour ton maître un cachot vaste et noir ;
Russie et Sibérie, ô czar ! tyran ! vampire !
Ce sont les deux moitiés de ton funèbre empire ;
L'une est l'Oppression, l'autre est le Désespoir.

Les supplices d'Ancône emplissent les murailles.
Le pape Mastaï fusille ses ouailles ;
Il pose là l'hostie et commande le feu.
Simoncelli périt le premier ; tous les autres
Le suivent sans pâlir, tribuns, soldats, apôtres ;
Ils meurent, et s'en vont parler du prêtre à Dieu.

Saint-Père, sur tes mains laisse tomber tes manches !
Saint-Père, on voit du sang à tes sandales blanches !
Borgia te sourit, le pape empoisonneur.
Combien sont morts ? combien mourront ? qui sait le nombre ?
Ce qui mène aujourd'hui votre troupeau dans l'ombre,
Ce n'est pas le berger, c'est le boucher, seigneur !

Italie ! Allemagne ! ô Sicile ! ô Hongrie !
Europe, aïeule en pleurs, de misère amaigrie,
Vos meilleurs fils sont morts ; l'honneur sombre est absent.
Au midi l'échafaud, au nord un ossuaire.
La lune chaque nuit se lève en un suaire,
Le soleil chaque soir se couche dans du sang.

Sur les Français vaincus un saint-office pèse.
Un brigand les égorge, et dit : je les apaise.
Paris lave à genoux le sang qui l'inonda ;
La France garrottée assiste à l'hécatombe.
Par les pleurs, par les cris, réveillés dans la tombe,
- Bien ! dit Laubardemont ; - Va ! dit Torquemada.

Batthyani, Sandor, Poèrio, victimes !
Pour le peuple et le droit en vain nous combattîmes.
Baudin tombe, agitant son écharpe en lambeau ;
Pleurez dans les forêts, pleurez sur les montagnes !
Où Dieu mit des édens les rois mettent des bagnes ;
Venise est une chiourme et Naples est un tombeau.

Le gibet sur Arad ! le gibet sur Palerme !
La corde à ces héros qui levaient d'un bras ferme
Leur drapeau libre et fier devant les rois tremblants !
Tandis qu'on va sacrer l'empereur Schinderhannes,
Martyrs, la pluie à flots ruisselle sur vos crânes,
Et le bec des corbeaux fouille vos yeux sanglants.

Avenir ! avenir ! voici que tout s'écroule !
Les pâles rois ont fui, la mer vient, le flot roule,
Peuples ! le clairon sonne aux quatre coins du ciel ;
Quelle fuite effrayante et sombre ! les armées
S'en vont dans la tempête en cendres enflammées,
L'épouvante se lève ; - Allons, dit l'éternel !
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