Le nom grandit quand l'homme tombe ;
Jamais rien de tel n'avait lui.
Calme, il écoutait dans sa tombe
La terre qui parlait de lui.
La terre disait : « la victoire
A suivi cet homme en tous lieux.
Jamais tu n'as vu, sombre histoire,
Un passant plus prodigieux !
Gloire au maître qui dort sous l'herbe
Gloire à ce grand audacieux !
Nous l'avons vu gravir, superbe,
Les premiers échelons des cieux !
Il envoyait, âme acharnée,
Prenant Moscou, prenant Madrid,
Lutter contre la destinée
Tous les rêves de son esprit.
A chaque instant, rentrant en lice.
Cet homme aux gigantesques pas
Proposait quelque grand caprice
A Dieu qui n'y consentait pas.
Il n'était presque plus un homme.
Il disait, grave et rayonnant,
En regardant fixement Rome :
C'est moi qui règne maintenant !
Il voulait, héros et symbole,
Pontife et roi, phare et volcan,
Faire du Louvre un Capitole
Et de Saint-Cloud un Vatican.
César, il eût dit à Pompée :
Sois fier d'être mon lieutenant !
On voyait luire son épée
Au fond d'un nuage tonnant.
Il voulait, dans les frénésies
De ses vastes ambitions,
Faire devant ses fantaisies
Agenouiller les nations,
Ainsi qu'en une urne profonde,
Mêler races, langues, esprits,
Répandre Paris sur le monde,
Enfermer le monde en Paris !
Comme Cyrus dans Babylone,
Il voulait sous sa large main,
Ne faire du monde qu'un trône
Et qu'un peuple du genre humain,
Et bâtir, malgré les huées,
Un tel empire sous son nom
Que Jéhovah dans les nuées
Fût jaloux de Napoléon ! »