LA LUTTE
Hélas ! c'est l'ignorance en colère. Il faut plaindre
Ceux que le grand rayon du vrai ne peut atteindre.,
D'ailleurs, qu'importe, ami ! l'honneur est avec nous.
Oui, plains ces insulteurs acceptant à genoux
L'horrible paix qui prend la France en sa tenaille !
Que leur ingratitude imbécile s'en aille
Devant l'histoire, avec ton dédain et le mien.
Ils traiteraient Jésus comme un bohémien ;
Saint Paul leur semblerait un hideux démocrate ;
Ils diraient : Quel affreux jongleur que ce Socrate.
Leur oeil myope a peur de l'aube. Ils sont ainsi.
Est-ce leur faute ? Non. A Naple, à Rome, ici,
Toujours, partout, il est tout simple que des êtres
Te jalousent soldats et te maudissent prêtres,
Etant, les uns vaincus, les autres démasqués.
Les glaçons que j'ai vus cet hiver, de nos quais,
Pêle-mêle passer, nous jetant un froid sombre,
Mais fuyant et fondant rapidement dans l'ombre,
N'étaient pas plus haineux et n'étaient pas plus vains.
Toi qui jadis, pareil aux combattants divins,
Venais seul, sans armée et délivrais des villes,
Laisse hurler sur toi le flot des clameurs viles.
Qu'est-ce que cela fait ? Viens, donnons-nous la main.
Et moi le vieux Français, toi l'antique Romain,
Sortons. C'est un lieu triste où l'on est mal à l'aise
Et regagnons chacun notre haute falaise
Où si l'on est tué, du moins c'est par la mer ;
Allons chercher l'insulte auguste de l'éclair,
La fureur jamais basse et la grande amertume,
Le vrai gouffre, et quittons la bave pour l'écume.