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 Victor HUGO (1802-1885) La légende des siècles

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James
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Victor HUGO (1802-1885) La légende des siècles  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) La légende des siècles    Victor HUGO (1802-1885) La légende des siècles  Icon_minitimeDim 25 Sep - 16:01

LA LÉGENDE DES SIÈCLES



Les personnes qui voudront bien jeter un coup d'oeil
sur ce livre ne s'en feraient pas une idée précise,
si elles y voyaient autre chose qu'un commencement.

Ce livre est-il don un fragment? Non. Il existe à part.
Il a, comme on le verra, son exposition, son milieu et
sa fin.

Mais en même temps, il est, pour ainsi dire, la première
page d'un autre livre.

Un commencement peut-il être un tout? Sans doute.
Un péristyle est un édifice.

L'arbre, commencement de la forêt, est un tout. Il
appartient à la vie isolée, par la racine, et à la vie en
commun, par la séve. A lui seul, il ne prouve que l'arbre,
mais il annonce la forêt.

Ce livre, s'il n'y avait pas quelque affectation dans
des comparaisons de cette nature, aurait, lui aussi,
ce double caractère. Il existe solitairement et forme
un tout; il existe solidairement et fait partie d'un ensemble.

Cet ensemble, que sera-t-il?

Exprimer l'humanité dans une espèce d'oeuvre cyclique;
la peindre successivement et simultanément sous
tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion,
science, lesquels se résument en un seul et immense
mouvement d'ascension vers la lumière; faire apparaître,
dans une sorte de miroir sombre et clair que
l'interruption naturelle des travaux terrestres brisera
probablement avant qu'il ait la dimension rêvée par
l'auteur cette grande figure une et multiple, lugubre
et rayonnante, fatale et sacrée, l'Homme; voilà de quelle
pensée, de quelle ambition, si l'on veut, est sortie la
Légende des Siècles.

Les deux premiers volumes qu'on va lire n'en contiennent que
la première partie, la première série, comme dit le titre.

Les poëmes qui composent ces deux volumes ne
sont donc autre chose que des empreintes successives du profil
humain, de date en date, depuis Ève,
mère des hommes, jusqu'à la Révolution, mère des
peuples; empreintes prises, tantôt sur la barbarie,
tantôt sur la civilisation, presque toujours sur le vif
de l'histoire; empreintes moulées sur le masque des
siècles.

Quand d'autres volumes se seront joints à ceux-ci, de
façon à rendre l'oeuvre un peu moins incomplète, cette
série d'empreintes, vaguement disposée dans un certain
ordre chronologique, pourra former une sorte de galerie
de la médaille humaine.

Pour le poëte comme pour l'historien, pour l'archéologue
comme pour le philosophe, chaque siècle est un
changement de physionomie de l'humanité. On trouvera
dans ces deux volumes, qui, nous le répétons, seront
continués et complétés, le reflet de quelques-uns de ces
changements de physionomie.

On y trouvera quelque chose du passé, quelque chose
du présent (XIII. Maintenant), et comme un vague mirage
de l'avenir. Du reste, ces poëmes, divers par le
sujet, mais inspirés par la même pensée, n'ont entre eux
d'autre noeud qu'un fil, ce fil qui s'atténue quelquefois
au point de devenir invisible, mais qui ne casse jamais,
le grand fil mystérieux du labyrinthe humain, le Progrès.

Comme dans une mosaïque, chaque pierre a sa couleur et sa
forme propre; l'ensemble donne une figure. La figure de ce livre,
on l'a dit plus haut, c'est l'homme.

Ces deux volumes d'ailleurs, qu'on veuille bien ne pas
l'oublier, sont à l'ouvrage dont ils font partie, et qui
sera mis au jour plus tard, ce que serait à une symphonie
l'ouverture. Ils n'en peuvent donner l'idée exacte
et complète, mais ils contiennent une lueur de l'oeuvre
entière.

Le poëme que l'auteur a dans l'esprit n'est ici qu'entr'ouvert.

Quand à ces deux volumes pris en eux-mêmes, l'auteur n'a
qu'un mot à en dire: le genre humain,
considéré comme un grand individu collectif accomplissant
d'époque en époque une série d'actes sur
la terre, a deux aspects: l'aspect historique et l'aspect légendaire.
Le second n'est pas moins vrai que le premier; le premier n'est pas
moins conjectural que le second.

Qu'on ne conclue pas de cette dernière ligne
disons-le en passant qu'il puisse entrer dans la
pensée de l'auteur d'amoindrir la haute valeur de l'en
seignement historique. Pas une gloire, parmi les splendeurs
du génie humain, ne dépasse celle du grand historien philosophe.
L'auteur, seulement, sans diminuer la portée de l'histoire, veut
constater la portée de la légende. Hérodote fait l'histoire,
Homère fait la légende.

C'est l'aspect légendaire qui prévaut dans ces deux
volumes et qui en colore les poëmes. Ces poëmes se
passent l'un à l'autre le flambeau de la tradition humaine.
Quasi cursores. C'est ce flambeau, dont la flamme
est le vrai, qui fait l'unité de ce livre. Tous ces poëmes,
Ceux du moins qui résument le passé, sont de la réalité
historique condensée ou de la réalité historique devinée.
La fiction parfois, la falsification jamais; aucun grossissement
de lignes; fidélité absolue à la couleur des temps
et à l'esprit des civilisations diverses. Pour citer des
exemples, la décadence romaine (tome Ier, page 49) n'a
pas un détail qui ne soit rigoureusement exact; la barbarie
mahométane ressort de Cantemir, à travers l'enthousiasme
de l'historiographe turc, telle qu'elle est exposée dans les
premières pages de Zim-Zizimi et de Sultan Mourad.

Du reste, les personnes auxquelles l'étude du passé
est familière, reconnaîtront, l'auteur n'en doute pas, l'accent
réel et sincère de tout ce livre. Un de ces poëmes
(Première rencontre du Christ avec le tombeau) est tiré,
l'auteur pourrait dire traduit, de l'Évangile. Deux autres
(le Mariage de Roland, Aymerillot) sont des feuillets détachés
de la colossale épopée du moyen âge (Charlemagne,
emperor à la barbe florie). Ces deux poëmes jaillissent
directement des livres de geste de la chevalerie. C'est
de l'histoire écoutée aux portes de la légende.

Quant au mode de formation de plusieurs des autres
poëmes dans la pensée de l'auteur, on pourra s'en faire
une idée en lisant les quelques lignes placées en note à
la page 126 du tome II, lignes d'où est sortie la pièce
intitulée: les Raisons du Momotombo. L'auteur en convient,
un rudiment imperceptible, perdu dans la chronique
ou dans la tradition, à peine visible à l'oeil nu, lui a souvent
suffi. Il n'est pas défendu au poëte et au philosophe
d'essayer sur les faits sociaux ce que le naturaliste essaie
sur les faits zoologiques: la reconstruction du monstre
d'après l'empreinte de l'ongle ou de l'alvéole de la dent.

Ici lacune, là étude complaisante et approfondie d'un
détail, tel est l'inconvénient de toute publication fractionnée.
Ces défauts de proportion peuvent n'être qu'apparents. Le lecteur
trouvera certainement juste d'attendre, pour les apprécier
définitivement, que la Légende des Siècles ait paru en
entier. Les usurpations, par exemple, jouent un tel rôle dans
la construction des royautés au moyen âge, et mêlent tant
de crimes à la complication des investitures, que l'auteur a cru devoir
les présenter sous leurs trois principaux aspects dans
les trois drames : le Petit Roi de Galice, Eviradnus, la
Confiance du marquis Fabrice. Ce qui peut sembler aujourd'hui
un développement excessif s'ajustera plus tard à l'ensemble.

Les tableaux riants sont rares dans ce livre; cela tient
à ce qu'ils ne sont pas fréquents dans l'histoire.

Comme on le verra, l'auteur, en racontant le genre
humain, ne l'isole pas de son entourage terrestre. Il
mêle quelquefois à l'homme, il heurte à l'âme humaine,
afin de lui faire rendre son véritable son, ces êtres différents
de l'homme que nous nommons bêtes, choses,
nature morte, et qui remplissent on ne sait quelles
fonctions fatales dans l'équilibre vertigineux de la
création.

Tel est ce livre. L'auteur l'offre au public sans rien se
Dissimuler de sa profonde insuffisance. C'est une tentative
vers l'idéal. Rien de plus.

Ce dernier mot a besoin peut-être d'être expliqué.

Plus tard, nous le croyons, lorsque plusieurs autres
parties de ce livre auront été publiées, on apercevra le
lien qui, dans la conception de l'auteur, rattache la Légende
des Siècles à deux autres poëmes, presque terminés à
cette heure, et qui sont, l'un le dénoûment, l'autre
le couronnement; la Fin de Satan, et Dieu.

L'auteur, du reste, pour compléter ce qu'il a dit plus
haut, ne voit aucune difficulté à faire entrevoir dès à
présent, qu'il a esquissé dans la solitude une sorte de
poëme d'une certaine étendue où se réverbère le problème
unique, l'Être, sous sa triple face; l'Humanité, le
Mal, l'Infini; le progressif, le relatif, l'absolu; en ce
qu'on pourrait appeler trois chants : la Légende des
Siècles, la Fin de Satan, Dieu.

Il publie aujourd'hui un premier carton de cette esquisse.
Les autres suivront.

Nul ne peut répondre d'achever ce qu'il a commencé,
pas une minute de continuation certaine n'est
assurée à l'oeuvre ébauchée; la solution de continuité,
hélas! c'est tout l'homme; mais il est permis, même
au plus faible, d'avoir une bonne intention et de la dire.

Or, l'intention de ce livre est bonne.

L'épanouissement du genre humain de siècle en siècle,
l'homme montant des ténèbres à l'idéal, la transfiguration
paradisiaque de l'enfer terrestre, l'éclosion lente et
suprême de la liberté, droit pour cette vie, responsabilité
pour l'autre; une espèce d'hymne religieux à mille
strophes, ayant dans ses entrailles une foi profonde et
sur son sommet une haute prière; le drame de la création
éclairé par le visage du créateur, voilà ce que sera,
terminé, ce poëme dans son ensemble; si Dieu, maître
des existences humaines, y consent.

Hauteville house. Septembre 1859.


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