SOUS L'OLYMPE
Cependant un des fils de la terre farouche,
Un titan, l'ombre au front et l'écume à la bouche,
Phtos le géant, l'aîné des colosses vaincus,
Tandis qu'en haut les dieux, enivrés par Bacchus,
Mêlent leur joie autour de la royale table,
Rêve sous l'épaisseur du mont épouvantable.
Les maîtres, sous l'Olympe, ont, dans un souterrain
Jeté Phtos, l'ont lié d'une corde d'airain,
Puis ils l'ont laissé là, car la victoire heureuse
Oublie et chante ; et Phtos médite ; il sonde, il creuse,
Il fouille le passé, l'avenir, le néant.
Oh ! quand on est vaincu, c'est dur d'être géant !
Un nain n'a pas la honte ayant la petitesse.
Seuls, les coeurs de titans ont la grande tristesse ;
Le volcan morne sent qu'il s'éteint par degrés,
Et la défaite est lourde aux fronts démesurés.
Ce vaincu saigne et songe, étonné.
Quelle chute !
Les dieux ont commencé la tragique dispute,
Et la terre est leur proie. Ô deuil ! Il mord son poing.
Comment respire-t-il ? Il ne respire point.
Son corps vaste est blessé partout comme une cible.
Le câble que Vulcain fit en bronze flexible
Le serre, et son cou râle, étreint d'un noeud d'airain.
Phtos médite, et ce grand furieux est serein ;
Il méprise, indigné, les fers, les clous, les gênes.