Le ravin d'Ernula
Ils sont là tous les dix, les infants d'Asturie,
La même affaire unit dans la même prairie
Les cinq de Santillane aux cinq d'Oviedo.
C'est midi; les mulets, très-las, ont besoin d'eau,
L'âne à soif, le cheval souffle et baisse un oeil terne,
Et la troupe a fait halte auprès d'une citerne;
Tout à l'heure on ira plus loin, bannière au vent;
Ils atteindront le fond de l'Asturie avant
Que la nuit ait couvert la sierra de ses ombres;
Ils suivent le chemin qu'à travers ces monts sombres
Un torrent, maintenant à sec, jadis creusa,
Comme s'il voulait joindre Espos à Tolosa;
Un prêtre est avec eux qui lit son bréviaire.
Entre eux et Compostelle ils ont mis la rivière.
Ils sont près d'Ernula, bois où le pin verdit,
Où Pelage est si grand, que le chevrier dit:
-Les Arabes faisaient la nuit sur la patrie.
Combien sont-ils? criaient les peuples d'Asturie.
Pelage en sa main prit la forêt d'Ernula,
Alluma cette torche, et, tant qu'elle brûla,
Il put voir et compter, du haut de la montagne,
Les maures ténébreux jusqu'au fond de l'Espagne.-