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 Victor HUGO (1802-1885) Le jour où ceci sur la terre

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James
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Victor HUGO (1802-1885) Le jour où ceci sur la terre  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Le jour où ceci sur la terre    Victor HUGO (1802-1885) Le jour où ceci sur la terre  Icon_minitimeDim 25 Sep 2011 - 18:19

Le jour où ceci sur la terre
S'accomplissait, voici ce que voyait le ciel:

C'était l'endroit calme, apaisé, solennel,
Où luit l'astre idéal sous l'idéal nuage,
Au delà de la vie, et de l'heure, et de l'âge,
Hors de ce qu'on appelle espace, et des contours
Des songes qu'ici-bas nous nommons nuits et jours;
Lieu d'évidence où l'âme enfin peut voir les causes,
Où, voyant le revers inattendu des choses,
On comprend, et l'on dit: -C'est bien!- l'autre côté
De la chimère sombre étant la vérité;
Lieu blanc, chaste, où le mal s'évanouit et sombre.
L'étoile en cet azur semble une goutte d'ombre.

Ce qui rayonne là, ce n'est pas un vain jour
Qui naît et meurt, riant et pleurant tour à tour,
Jaillissant, puis rentrant dans la noirceur première;
Et, comme notre aurore, un sanglot de lumière;
C'est un grand jour divin, regardé dans les cieux
Par les soleils, comme est le nôtre par les yeux;
Jour pur, expliquant tout, quoi qu'il soit le problème;
Jour qui terrifierait, s'il n'était l'espoir même,
De toute l'étendue éclairant l'épaisseur,
Foudre par l'épouvante, aube par la douceur.
Là, toutes les beautés tonnent épanouies;
Là frissonnent en paix les lueurs inouïes;
Là, les ressuscités ouvrent leur oeil béni
Au resplendissement de l'éclair infini;
Là, les vastes rayons passent comme des ondes.

C'était sur le sommet du Sinaï des mondes;
C'était là.

Le nuage auguste, par moments,
Se fendait, et jetait des éblouissements.
Toute la profondeur entourait cette cime.

On distinguait, avec un tremblement sublime,
Quelqu'un d'inexprimable au fond de la clarté.

Et tout frémissait, tout, l'aube et l'obscurité,
Les anges, les soleils, et les êtres suprêmes,
Devant un vague front couvert de diadèmes.
Dieu méditait.

Celui qui crée et qui sourit,
Celui qu'en bégayant nous appelons Esprit,
Bonté, Force, Équité, Perfection, Sagesse,
Regarde devant lui, toujours, sans fin, sans cesse,
Fuir les siècles ainsi que des mouches d'été.
Car il est éternel avec tranquillité.

Et dans l'ombre hurlait tout un gouffre: la terre.

En bas, sous une brume épaisse, cette sphère
Rampait, monde lugubre où les pâles humains
Passaient et s'écroulaient et se tordaient les mains;
On apercevait l'Inde et le Nil, des mêlées
D'exterminations et de villes brûlées,
Et des champs ravagés et des clairons soufflant,
Et l'Europe livide ayant un glaive au flanc;
Des vapeurs de tombeau, des lueurs de repaire;
Cinq frères tout sanglants; l'oncle, le fils, le père;
Des hommes dans des murs, vivants, quoique pourris;
Des têtes voletant, mornes chauves-souris,
Autour d'un sabre nu, féroce en funérailles;
Des enfants éventrés soutenant leurs entrailles;
Et de larges bûchers fumaient, et des tronçons
D'êtres sciés en deux rampaient dans les tisons;
Et le vaste étouffeur des plaintes et des râles,
L'Océan, échouait dans les nuages pâles
D'affreux sacs noirs faisant des gestes effrayants;
Et ce chaos de fronts hagards, de pas fuyants,
D'yeux en pleurs, d'ossements, de larves, de décombres,
Ce brumeux tourbillon de spectres, et ces ombres
Secouant des linceuls, et tous ces morts, saignant
Au loin, d'un continent à l'autre continent,
Pendant aux pals, cloués aux croix, nus sur les claies,
Criaient, montrant leurs fers, leur sang, leurs maux, leurs plaies:

-C'est Mourad! c'est Mourad! justice, ô Dieu vivant!-

A ce cri, qu'apportait de toutes parts le vent,
Les tonnerres jetaient des grondements étranges,
Des flamboiements passaient sur les faces des anges,
Les grilles de l'enfer s'empourpraient, le courroux
En faisait remuer d'eux-mêmes les verrous,
Et l'on voyait sortir de l'abîme insondable
Un sinistre main qui s'ouvrait formidable;
-Justice!- répétait l'ombre; et le châtiment
Au fond de l'infini se dressait lentement.
Soudain, du plus profond des nuits, sur la nuée,
Une bête difforme, affreuse, exténuée,
Un être abject et sombre, un pourceau s'éleva.
Ouvrant un oeil sanglant qui cherchait Jéhovah;
La nuée apporta le porc dans la lumière,
A l'endroit même où luit l'unique sanctuaire,
Le saint des saints, jamais décru, jamais accru;
Et le porc murmura: -Grâce! il m'a secouru.-
Le pourceau misérable et Dieu se regardèrent.

Alors, selon des lois que hâtent ou modèrent
Les volontés de l'Être effrayant qui construit
Dans les ténèbres l'aube et dans le jour la nuit,
On vit, dans le brouillard où rien n'a plus de forme,
Vaguement apparaître une balance énorme;
Cette balance vint d'elle-même, à travers
Tous les enfers béants, tous les cieux entr'ouverts,
Se placer sous la foule immense des victimes;
Au-dessus du silence horrible des abîmes,
Sous l'oeil du seul vivant, du seul vrai, du seul grand,
Terrible, elle oscillait, et portait, s'éclairant
D'un jour mystérieux plus profond que le nôtre,
Dans un plateau le monde et le pourceau dans l'autre.

Du côté du pourceau la balance pencha.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
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