RONSARD
C'est fort juste, tu veux commander en cédant ;
Viens, ne crains rien ; je suis éperdu, mais prudent ;
Suis-moi ; c'est le talent d'un amant point rebelle
De conduire au milieu des forêts une belle,
D'être ardent et discret, et d'étouffer sa voix
Dans le chuchotement mystérieux des bois.
Aimons-nous au-dessous du murmure des feuilles ;
Viens, je veux qu'en ce lieu voilé tu te recueilles,
Et qu'il reste au gazon par ta langueur choisi
Je ne sais quel parfum de ton passage ici ;
Laissons des souvenirs à cette solitude.
Si tu prends quelque molle et sereine attitude,
Si nous nous querellons, si nous faisons la paix,
Et si tu me souris sous les arbres épais,
Ce lieu sera sacré pour les nymphes obscures ;
Et le soir, quand luiront les divins Dioscures,
Ces sauvages halliers sentiront ton baiser
Flotter sur eux dans l'ombre et les apprivoiser ;
Les arbres entendront des appels plus fidèles,
De petits coeurs battront sous de petites ailes,
Et les oiseaux croiront que c'est toi qui bénis
Leurs amours, et la fête adorable des nids.
C'est pourquoi, belle, il faut qu'en ce vallon tu rêves.
Et je rends grâce à Dieu, car il fit plusieurs Èves,
Une aux longs cheveux d'or, une autre au sein bruni,
Une gaie, une tendre, et quand il eut fini
Ce Dieu, qui crée au fond toujours les mêmes choses,
Avec ce qui restait des femmes, fit les roses.