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 Victor HUGO (1802-1885) Un bruit, pareil au bruit des mouches qui murmurent

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Un bruit, pareil au bruit des mouches qui murmurent   Victor HUGO (1802-1885) Un bruit, pareil au bruit des mouches qui murmurent Icon_minitimeMar 27 Sep - 21:59

Un bruit, pareil au bruit des mouches qui murmurent,
Éclata tout à coup dans le gouffre muet,
Et je vis quelque chose en bas qui remuait.
C'était comme un point noir, puis comme une fumée,
Puis comme la poussière où s'avance une armée,
Puis comme une île d'ombre au sein des nuits flottant.
Et cet amas sinistre et lourd, vers nous montant,
Triste, livide, énorme, ayant un air de rage,
Venait et grandissait, poussé d'un vent d'orage.
Ce bloc était confus comme un brouillard du soir.
Quand il fut près de nous, je me penchai pour voir.

C'était une nuée et c'était une foule.
Cela voguait, courait, roulait comme une houle ;
Et puis cela faisait un bruit mystérieux.
Dans cette ombre on voyait des faces et des yeux.
Je leur criai : - Quels sont les noms dont on vous nomme ?
Ô spectres, comme vous j'étais jadis un homme,
Vous êtes maintenant des spectres comme moi. -
Ils n'entendirent point et passèrent. L'effroi
Et la stupeur glaçaient ce noir tourbillon d'ombres.
Les uns étaient assis sur d'informes décombres ;
D'autres, je les voyais quoiqu'un vent les chassât,
Terribles, agitaient des vestes de forçat ;
D'autres étaient au joug liés comme des bêtes ;
D'autres étaient des corps qui n'avaient pas de têtes ;
Des femmes sur leur sein montraient les clous du fouet ;
Des enfants morts tenaient encore leur jouet,
Et leur crâne entr'ouvert laissait voir leurs cervelles ;
D'autres gisaient en tas ainsi que des javelles ;
D'autres avaient au cou la corde du gibet ;
D'autres traînaient des fers ; un autre se courbait,
L'affreux plafond trop bas d'un cachot solitaire
Ayant ployé sa tête à jamais vers la terre ;
Des vieillards, dont le sang coulait à longs ruisseaux,
Tiraient avec leurs doigts des balles de leurs os ;
D'autres touchaient leurs yeux crevés par les mitrailles ;
D'autres avec leurs mains soutenaient leurs entrailles ;
Innombrables, meurtris, pâles, échevelés,
Tous, dans la nuit farouche affreusement mêlés,
Dressaient leur front, et ceux qui n'avaient pas de têtes
Élevaient leurs deux poings, et le vent des tempêtes
Soufflait, et derrière eux, accroupis, accablés,
On voyait un monceau de fantômes voilés,
Muets et noirs ; c'étaient les veuves et les mères.
La rumeur qui sortait de ces ombres amères
Ressemblait au bruit sourd que les grands arbres font ;
Et, devant la clarté qui flamboyait au fond,
Joignant leurs mains, tordant leurs bras, ils s'arrêtèrent,
Et, comme tous sortaient de la fosse, ils ôtèrent
La terre de leur bouche, et crièrent : Seigneur !

À ce grand mot qui dit gloire, amour et bonheur,
L'abîme qui n'a plus, sous la verge inflexible,
Le droit de prononcer ce nom inaccessible
Poussa dans la nuit triste un long gémissement.
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Victor HUGO (1802-1885) Un bruit, pareil au bruit des mouches qui murmurent
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