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 Victor HUGO (1802-1885) L'ange leva le doigt, et je vis, dans la brume

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Victor HUGO (1802-1885) L'ange leva le doigt, et je vis, dans la brume Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) L'ange leva le doigt, et je vis, dans la brume   Victor HUGO (1802-1885) L'ange leva le doigt, et je vis, dans la brume Icon_minitimeMar 27 Sep - 22:02

L'ange leva le doigt, et je vis, dans la brume,
Monter et croître au fond des brouillards épaissis
Une espèce de cirque, et là, muets, assis,
Un tas d'hommes vêtus d'hermine et de simarres,
Et je vis à leurs pieds du sang en larges mares,
Des billots, des gibets, des fers, des piloris.

Ces hommes regardaient l'ange d'un air surpris ;
Comme, en lettres de feu, rayonnait sur sa face
Son nom, JUSTICE, entre eux ils disaient à voix basse :
- Que veut dire ce mot qu'il porte sur son front ?

L'ange cria :
- Malheur à ceux qui mentiront !
Vos noms ? parlez ! -
Et tous semblaient vouloir se taire.

- Vous êtes, dit l'esprit, les juges de la terre.
De vous tous qui teniez le livre de la loi
Pas un ne me connaît, mais je vous connais, moi.
Écoutez. Vous avez trahi le droit auguste,
Absous les scélérats, condamné l'homme juste,
Et lié l'innocence aux pieds du crime heureux.
Quand le massacre ouvrant ses ongles ténébreux,
Planait sur la cité qui lutte et qui s'effraie,
Vous avez comme un aigle adoré cette orfraie ;
Quand les soldats noyaient dans le meurtre les lois,
À leurs cris furieux vous mêliez votre voix,
Vous mettiez votre bouche à leurs clairons de cuivre,
C'est vous qui de la loi tenant toujours le livre,
Des martyrs aux brigands partagiez les habits ;
C'est vous qui livriez aux tigres les brebis ;
C'est vous qui des héros traîniez les agonies
Du carcan au gibet, du bagne aux gémonies,
Juges ; et le bourreau d'épouvante vêtu,
Voyant qu'on lui disait d'égorger la vertu,
Pensait dans son esprit : Ces hommes-là se trompent.
Vous vous êtes assis aux festins qui corrompent,
Vous avez applaudi le mal, ri du remords,
Et vous avez craché sur la face des morts.
Ô juges, ce sont là des choses exécrables.
Qu'avez-vous à répondre ?
Alors ces misérables,
Tombant hors de leur siége et se prosternant tous,
Tremblant et gémissant, dirent :
- Ce n'est pas nous.

- Mais qui donc est coupable alors ?
Ce sont les princes.
La terre est par les rois divisée en provinces.
Nous renvoyons aux rois toutes nos actions.
Les princes commandaient ; nous leur obéissons,
Seigneur, car de tout temps les prêtres et les mages
Nous ont dit que les rois, ô Dieu, sont vos images.

L'ange dit : -Amenez les images de Dieu.

Des êtres monstrueux parurent.
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