Je l'aime d'être beau, moi qui suis le difforme.
Que j'oublie un instant! - ô souvenir! - Je vois
Les anges lui parler dans l'ombre à demi-voix.
Que leur dit-il; je suis jaloux; Je me rappelle
Qu'il me parlait aussi, que la lumière est belle!
Je l'aime d'être bon, moi qui suis le mauvais.
Oh! le temps d'un éclair, hélas! si je pouvais
Au fond de mon chaos voir son ombre apparaître!
Je l'adore, ô terreur, plus que Jephté son prêtre,
Plus qu'Amos son prophète et David son chanteur.
Je l'aime d'être vrai, moi qui suis le menteur.
Le sang brûle mes yeux, l'écume emplit ma bouche,
Et, chien de l'infini, chassé du ciel, farouche,
Hagard, pleurant mon maître, à la porte du jour,
Mâchant le genre humain, je hurle mon amour!
Oui, chien!
En lui parlant ma voix devient horrible.
Parfois, pensif, courbé sous mon plafond terrible,
J'entends les séraphins le chanter dans les cieux,
Et, quand ils ont fini, l'écho chante après eux;
Alors je dis : - Eh bien, moi comme eux, moi de même,
Dieu, je veux te chanter; ô lumière, je t'aime!
Je veux d'un chant d'enfer ravir l'écho du ciel,
Satan est une lyre ainsi que Gabriel.
Dieu; c'est à toi, vrai jour, c'est à toi, seul refuge,
Dieu; c'est à toi, pasteur, roi, père, maître et juge,
Que la création songe éternellement; -
Et fou, vieux coeur de fer attiré par l'aimant,
Je dis : gloire! et ma strophe éclate en diadème,
Et je leur chante un hymne ineffable et suprême,
Hymne aux versets charmants d'ombre et d'extase emplis,
[Et] qui pourrait sortir de la bouche d'un lys,
Puis j'écoute; et l'écho qui me répond aboie!