Ce que vous appelez dans votre obscur jargon:
-Civilisation -du Gange à l'Orégon,
Des Andes au Thibet, du Nil aux Cordillères,
Comment l'entendez-vous, ô noires fourmilières?
De toute votre terre interrogez l'écho.
Voyez Lima, Cuba, Sydney, San-Francisco,
Melbourne. Vous croyez civiliser un monde,
Lorsque vous l'enfiévrez de quelque fièvre immonde,
Quand vous troublez ses lacs,-miroirs d'un dieu secret,
Lorsque vous violez sa vierge, la forêt;
Quand vous chassez du bois, de l'antre, du rivage,
Votre frère. aux yeux pleins de lueurs,. le sauvage,
Cet enfant du soleil peint de mille couleurs,
Espèce d'insensé des branches et des fleurs,
Et quand, jetant dehors cet Adam inutile,
Vous peuplez le désert d'unhomme"plus reptile,
Vautré dans la matière et la cupidité,
Dur, cynique, étalant une autre nudité,
Idolâtre du dieu dollar, fou qui palpite,
Non plus pour un soleil, mais pour une pépite,
' Qui se dit libre, et montre au mondé épouvanté
L'esclavage étonné servant' la liberté!
Oui, vous dites: -Voyez, nous remplaçons ces brutes;
Nos monceaux de palais chassent leurs tas de huttes;
Dans la pleine lumière humaine nous voguons;
Voyez nos docks, nos ports, nos steamers, nos wagons,
Nos théâtres, nos parcs, nos hôtels, nos carrosses! -
Et vous vous' contentez d'être autrement féroces!
Vous criez: Contemplez le progrès! admirez! -
Lorsque vous remplissez ces champs, ces monts sacrés,
Cette vieille nature âpre, hautaine, intègre,
D'âmes cherchant de l'or, de chiens chassant au nègre,
Quand à l'homme lion succède l'homme ver,
Et quand le tomahawk fait place au revolver !