La vie à ces âmes fières
Ne plaît pas;
Car les vivants sont des pierres
Sur leurs fronts et des-poussières
Sous leurs pas.
Dieu, c'est la nuit que tu sèmes
En créant
Les hommes, ces noirs problèmes;
Nous sommes les masques blêmes
Du néant.
Nous sommes l'algue et la houle,
O semeur!
Nous flottons, le vent nous roule;
Toute notre oeuvre s'écroule
En rumeur.
Le mal tient les foules viles
Dans ses noeuds;
Multitudes puériles,
Nous faisons des bruits stériles
Ou haineux.
Nains errant sur des décombres,
Embryons,
Ébauches, fantômes, ombres,
Dans tes immensités sombres,
Nous crions.
Dieu! les hommes, têtes basses,
Yeux charnels,
Raillent l'abîme. où tu passes,
Tes profondeurs, tes.espaces
Éternels!
Ils crachent sur le grand voile
Du ciel bleu;
Blâment tout, mer, barque et voile;
Insultent l'ombre et l'étoile,
L'âme et Dieu!
Ils insultent l'aube pure,
L'air vital,
Le beau, le vrai, la nature,
Et cette sombre ouverture:
. L'idéal!
Ils insultent l'invisible,
Le cyprès,
Le sort dont ils sont la cible,
L'onde, et le frisson terrible
Des forêts.
Ils insultent le pontife,
La lueur,
L'être, saint hiéroglyphe,
Et l'énigme sous ta griffe,
Sphinx rêveur!
Leurs voix sont prostituées,
Jéhovah!
Quand l'aigle entend leurs huées,
Il regarde les nuées
Et s'en' va!