Ô grande âme prisonnière,
Coeur martyr,
C'est l'aigle de ma tanière
Qui t'a montré la manière
De partir.
Pendant qu'assis sous les branches,
Nous pleurons,
Ame, tu souris, tu penches
Tes deux grandes ailes blanches
. Sur nos fronts.
Et, du fond de nos abîmes,
Soucieux,
Nous te voyons sur les cimes,
Levant tes deux bras sublimes
Vers les ciéux.
IV.
Destin! gouffre aux vents contraires,
Aux flots sourds!
Oh! que d'urnes funéraires!
M à fille, amis, parents, frères,
Joie, amours!
On luit, on brille, un beau rêve
Vous dit: viens!
Et voilà qu'un vent s'élève;
Le temps d'un flux sur la grève;
Et plus rien!
La bise éteint, brise, emporte
Le flambeau,
Et souffle, toujours plus forte,
Par-dessous la noire porte
Du. tombeau.
Notre bonheur est livide,
Et vit peu.
Hélas! je me tourne avide
Vers le sépulcre, ce vide
Plein de Dieu.
Dieu, là, dans ce sombre monde
Met l'amour,
Et tous les ports dans cette onde,
Et dans cette ombre profonde
Tout le jour.
Ô vivants qui dans la brume,
Dans le deuil,
Passez comme un flot.qui fume,
Et n'êtes que de l'écume
Sur l'écueil,
Vivez dans les clartés fausses,
Expiez!
Moi, Dieu bon qui nous exauces!
Je sens remuer les fosses
Sous mes pieds.
Il est temps que je m'en aille
Loin du bruit,
Sous la ronce et la broussaille,
Retrouver ce qui tressaille
Dans la nuit.
Tous mes noeuds dans le mystère
Sont dissous.
L'ombre est ma patrie austère.
J'ai moins 'd'amis sur la terre
Que dessous.
16 juillet 1855