À l'heure où le soleil se couche,
Quand j'erre au fond des bois, les soirs,
Seul, songeant, souriant, farouche,
Effaré sous les arbres. noirs;
Ou quand, près du foyer qui flambe,.
Laissant mes livres cent fois lus,
Croisant ma jambe sur ma jambe,
Je regarde et n'écoute plus;
Vous dites: Qu'a-t-il donc? Il rêve!
-Oui. Je rêve! -C'est que je voi
L'ombre où l'astre idéal se leve
Croître et monter autour de moi!
C'est. qu'en. cette. nuit où s'efface ,
La clarté faite pour nos yeux,
Je sens approcher de ma face
Dès visages mystérieux!.
C'est qu'il me vient des apparences,
Dés formes, des voix, des soupirs,.
Du monde où sont cès espérances ,
Que nous-appelons souvenirs!
C'est que des espaces funèbres
S'oùvrent à mes sens convulsifs;
C'est q`ue je sens dans ces ténèbres
Môn pere et ma mère pensifs!
C'est que je sens passer un ange,
Toi, ma fille, âme au front charmant,
A je ne sais quel souffle étrange
Dont je frissonne doucement!
C'est que, sous nos plafonds paisibles
Comme dans nos bols pleins d'effroi,
Les morts présents, mais invisibles,
Fixent leurs yeux profonds sur moi!
6 janvier 1850.