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 Victor HUGO (1802-1885) -Ah çà mais! quelle idée as-tu, capricieuse

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Victor HUGO (1802-1885) -Ah çà mais! quelle idée as-tu, capricieuse Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) -Ah çà mais! quelle idée as-tu, capricieuse   Victor HUGO (1802-1885) -Ah çà mais! quelle idée as-tu, capricieuse Icon_minitimeJeu 17 Nov - 23:50

-Ah çà mais! quelle idée as-tu, capricieuse,
De vouloir qu'à cette heure où, sous la verte yeuse,
L'herbe s'offre à nos pas dans le bois attiédi,
Je te parle d'Eylau, d'Essling et de Lodi!
Parlons de notre amour et non de la bataille.
Oui, nos aïeux régnaient par la guerre, et leur taille
Était haute, et mon père était un des géants;
Et nous, s'il faut demain braver les flots béants,
Et subir les cieux noirs après les jours prospères,
Nous, les fils, nous ferons comme faisaient nos pères;
Nous combattrons comme eux, dût-on être engloutis,
Avec un coeur égal et des bras plus petits;
Et le monde entendra notre clairon sonore;
Mais aujourd'hui je t'aime et tu m'aimes; l'aurore
Emplit les champs, emplit les cieux, emplit nos coeurs;
Les moineaux aisément sont d'Horace moqueurs
Lorsqu'il a près de lui Barine émue et rose
Et qu'il passe son temps à parler d'autre chose.

Vais-je donc étonner ces prés,-ces bois, ces eaux,
Par un homme ayant moins d'esprit que les oiseaux?
C'est pour le jeune. amour que les, forêts sont faites.
Belle, ne me-.rends pas ridicule aux fauvettes.
Sois clémente, et 'comprends qu'en de si charmants lieux
C'est plutôt aux enfants qu'on pense qu'aux aïeux.
Veux-tu fâcher les fleurs par nos façons -moroses?
Veux-tu nous mettre mal avec toutes ces roses?
Si j'ai dit que je suis discret; je te trompais.
Belle, ici, -tout. est joie, accord, silence, paix;
Les champs et les vallons sont des choses' calmées.
Vois ces grottes où rit l'ondine aux mains palmées,
Vois ces halliers qu'un dieu mystérieux bénit;
La branche n'a qu'un but, c'est de cacher un nid;
C'est l'amour. qui ravit les. rossignols, doux chantres;
Les poursuites" d'amants-aboutissent aux antres;
La nature n'est qu'une alcôve; et c'est Vénus
Dont on distingue au fond de l'ombre les seins nus;
Janvier part, floréal accourt; le dialogue
De l'hiver qui bougonne avec la vive églogue
Tourne en querelle, et l'air est plein d'un vague chant
Qui fait que la beauté n'a point le coeur méchant.
Les arbres ont besoin, belles, de-votre rire;
Une joie espiègle est mêlée au zéphyre;
La pomme d'Eve aux mains de Galatée atteint
Virgile; et 'tout serait manqué, maussade,. éteint,
Si Chloé, que les nids couvrent de gais murmures,
Ne barbouillait. le vieux Silène avec des mûres;
Et, si Phyllis entre eux n'était comme un démon,
Ménalque ne saurait que dire à Palémon.
-Aime, et baigne en chantant tes pieds nus dans 'la source;
Les. rires étouffés, belle, sont la ressource
Des taillis ténébreux et des coeurs palpitants.
O profondeur sauvage et fraîche du printemps!
On entend alterner des flûtes sous les chênes.
Quel est -le maître? Éros.. Et quelles sont-les chaînes?
Les rayons, les parfums, lés soupirs, les chansons,
Et l'entrelacement des fleurs dans les buissons.
Cette nature au flanc sacré n'est pas contente
Si vous êtes "chez elle et que rien ne vous tente.
Belle, vois cette idylle immense, l'horizon;
Vois la-fougère et l'herbe et ses bancs -de gazon;
Crois-tu que de cette ombre; et de ce. paysage
Il sorte le conseil insensé d'être sage;;
D'être froid; de ne point s'approcher de trop près,
D'être sourd aux instincts, d'être aveugle aux attraits,
De refuser d'entrer: dans l'amour,:douce école,
Et de substituer Wagram, Jemmape, Arcole,
Les révolutions, la patrie en péril,

Et la rauque bataille, au tendre hymen d'avril?
Belle, ayons pour affaire unique l'arrivée
Du premier souffle tiède échauffant la couvée,
L'éclosion du lys des étangs, les rameaux
Où le nid et le vent jasent à demi-mots,
La pénétration du soleil dans les feuilles,
Le clair-obscur des eaux, le bouquet que tu cueilles,
Le parfum qui te plaît, la clarté que tu vois,
L'herbe et l'ombre, et l'amour, mélodie à deux voix.
Ici, Pan cherche Astrée et Faune guette Flore.
Ne mêlons pas la guerre à toute cette aurore,
A moins que ce ne soit la guerre des baisers.
Soyons des coeurs ardents l'un par l'autre apaisés.
Aimons. Le. mois de mai, c'est la saison lucide.
Kléber pas plus qu'Ajax, Marceau pas plus qu'Alcide,
N'ont que faire en ces champs pleins de molles faveurs
Où le printemps chuchote au fond des bois rêveurs;
Car Homère ne peut qu'effarer Théocrite;
Moschus craint l'épopée avec le glaive écrite,
Et le groupe dansant et chantant des bergers
Fuit devant le divin Achille aux pieds légers. -
Alors elle me dit dans la saison des roses:

-Ami, ne croyez pas que j'écoute ces choses;
Je ne vous en veux pas; je sais que c'est ainsi
Qu'on parle à sa maîtresse, à son esclave aussi;
Oui, l'aube au fond des bois ébauche un frais sourire,
Le doux avril accourt avec un bruit de lyre;
Les oiseaux sur qui rien ne pèse sont contents;
Oui, ce qui doit emplir nos coeurs, c'est le printemps,
C'est l'idylle, c'est Flore et Maïa, c'est Astrée,
C'est l'éden; c'est aussi la tristesse sacrée.
Toutes les fleurs ont beau me fêter à l'envi,
Je songe au noir clocher de Strasbourg asservi,
Et je vois à travers l'églogue pleine d'ombre
Au fond de l'horizon la grande flèche sombre.
Ah! parlez-moi de guerre! Où sont les fiers défis?
Penser à ses aïeux, c'est penser à ses fils.
C'est pour faire un héros qu'il est beau d'être femme;
Tâchons de repriser aux cieux 'quelque vieille âme;
Scellons un grand hymen! Je vous aime pourtant;
Mais, dans cet obscur bois farouche et palpitant,
C'est l'indignation, non l'amour, qui me dompte;
On n'a pas de pudeur quand on a de la honte;
Je le dis, mon pays est ma seule rougeur,
Je ne veux d'un baiser que s'il crée un vengeur!
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Victor HUGO (1802-1885) -Ah çà mais! quelle idée as-tu, capricieuse
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