CHANSON
LE PÈRE
Bon empereur, vous êtes maître
Du grenadier et du sapeur,
Et quand vous regardez leur guêtre
Les soldats d'Austerlitz ont peur.
Bon empereur, vous êtes l'homme
Qu'on appelle Napoléon.
Vous êtes un César pour Rome,
Un héros pour le Panthéon.
Tout vous cède; la renommée
Est partout votre avant-coureur.
Vous êtes général d'armée!
Je viens à vous, bon empereur.
Ma fille au vieux Thibaut préfère
Le plus jeune de mes neveux.
Vous qui pouvez tout, daignez faire
Qu'elle aime celui que je veux.
L'EMPEREUR
Ami, j'ai gagné cent batailles,
J'ai pris cent villes. Tout me sert!
J'ai constellé de mes mitrailles
Les pyramides du désert.
J'ai brisé des rois centenaires
Et j'ai fait rois mes compagnons.
Le Dieu d'en haut a ses tonnerres,
Moi, Dieu d'en bas, j'ai mes canons.
Je puis rajeunir et refondre
L'Europe, vieux monde épuisé.
VI, 55 LES PÉRIPÉTIES DE L'IDYLLE
Un de ces jours je prendrai Londre.
Tout cela. n'est pas malaisé.
Mais la difficulté suprême;
Plus haute que remparts et tours,
C'est de faire qu'une fille aime
Autre chose que ses amours.
22 mai 1846.