ENTENDU DANS LE CIEL
LE 2 MARS 1855
« Dis-moi donc ce qui se passe,
« Mer? que fait-on dans l'espace?
A quoi, grands flots azurés,
« Veut-on donc que je consente,
« Moi, la sinistre passante
« Des nuages effarés?
« Je suis la Flamme vivante;
« Je suis la haute épouvante,
« Le cri sourd du ciel serein,
« La roue aux éclairs sans nombre
« Du grand tourbillon de l'ombre;
« -Le sombre marcheur d'airain!
« Je suis la bête Tonnerre;
« J'ai broyé Cham dans son aire,
« Et Capanée 16 en son nid;
« Mes, griffes se sont posées
« Sur les faces écrasées
« Des pharaons de granit.
« Je luis, je frappe, j'émonde.
« Quand Dieu veut détruire un monde,
« C'est moi qui crie: Essayons!
« C'est moi qui brûle les âmes,
« Et, pour en faire des flammes,
. « Moi qui rends fous les rayons.
« Ô mer, je fends, .quand j'y tombe,
« Comme une vitre, la tombe;
« Quand je touche un dieu de nuit,
« Le dieu meurt aux mains du bonze;
« Quand. je crache sur du bronze,
« Le bronze s'évanouit.
« Quand dans ma gueule je mâche
« Un méchant, un traître, un lâche,
« Le mal semble s'éclipser;
« Quand sous mes pieds je trépigne
« Quelque noir colosse indigne
« On dit: Dieu vient de passer!