Et sans qu'il y paraisse, est votre art, et j'atteste
Troplong qui 'réussit' le tour manqué par Teste. -
Troplong a le collier et Teste a le carcan
Au fond c'est le même homme et c'est le même encan.
Vous êtes bien les vrais successeurs des vieux cuistres
Qui peuplaient la Grand'Chambre au temps des rois sinistres,
Et qui dans' leurs décrets mêlaient le vrai, le faux,
Le bien, le mal, l'horreur, la mort, les échafauds,
Lourds, et dissimulant cette pointe assassine
Par l'assaisonnement d'un latin de cuisine!
Votre sentence ira pourrir dans le vieux tas
De leurs indignités et de leurs attentats.
Vous imaginez-vous, ô sombres imbéciles,
Qu'après l'arrêt bavé par vos bouches fossiles,
Tout est dit; que c'est fait; que vous avez ôté
Du monde l'équilibre et .des coeurs l'équité,
Que vous êtes, magots toussant dans vos flanelles,
Quelque chose à côté des clartés éternelles,
Et qu'il sort du bouquin légal un tel pouvoir
Que l'homme empêche Dieu de faire son devoir!
Ah!Ton pourra puiser au fond des écritoires
Les galimatias et les réquisitoires
Et la prose infamante où Broë triomphait,
Et cracher sur ce spectre, et dire: c'est bien fait!
Ah! l'on entassera tant qu'on voudra la honte;
Le juge, le bailli, le capitoul, l'archonte,
Toutes les robes d'ombre et tous les bonnets noirs,
Tous les hiboux ayant les greffes pour manoirs,
Pourront venir, pourront prodiguer leur grimoire
Et leur haine à cette humble et tragique mémoire,
Ces stercoraires sont un assez vil essaim .
Pour croasser sans cesse: assassin! assassin!
Ils pourront, tous, en foule, à l'heure où la nuit tombe,
Se percher, au-dessus de cette pauvre tombe,
Dans les hideux rameaux du code, obscur cyprès
D'où tombe cette fiente immonde, leurs arrêts;
Ils pourront épaissir leur justice fétide
Sur -ce damné, des lois morne cariatide;
Ils pourront ajouter le désespoir .au deuil,
Sous leur chose jugée accabler ce cercueil,
Faire une ignominie exprès pour cette fosse,
Déclarer le lys noir et la vérité fausse;
Paris, ce vieux Paris si petit et si grand,'
Pourra dormir, chanter, manger, boire, ignorant
A qui le droit, à qui l'opprobre, à qui la palme;
Soudain, un jour, le ciel oublié, le ciel calme,
Blanchira du côté maudit de l'horizon;
Ceux qui regarderont auront un grand frisson
Et l'attente sacrée entrera dans leur âme;
Et l'on verra, là-bas, dans l'atmosphère infâme,
Tout à coup, au-dessus du sépulcre effrayant
Que la loi,- l'Euménide inepte, en bégayant,
Monstre aveugle, a flétri dans sa toute-puissance,
Se lever lentement cet astre, l'innocence!
H.-H. 27 décembre.-