F~ 15 1873.
Ô souvenirs! regard des faunes à travers
Les roseaux où se cache une nymphe aux yeux verts!
O familiarités divines échappées
À Méléagre avec les Grâces Ménippées!
Tutoiement d'un. Satyre à- la bacchante! élans
4
70/309. 1873 ou fin de l'exil?
Car le bourreau n'est pas.vivant; il n'a plus d'yeux
Pour voir les' champs, les, fleurs, et le.ciel radieux;
C'est une âme sinistre et du monde sortie
D'Alphésibée autour de Phillyre aux bras blancs!
Méléagre
Fo 17 1872.
Sont-ce des vérités ou sont-ce des mensonges?
Et moi-même, en disant ce que je dis, je sens
Monter l'horreur sacrée en mes os frémissants,
Je sens une fureur divine et vagabonde
Qui dans mes yeux flamboie et sur ma lèvre abonde;
Car cet homme parlant aux hommes, et qu'ici
Une sorte de vie éternelle a saisi,
Cet homme consolé, résigné, grand, sinistre,
Il est ton spectre, ô gouffre, et n'est pas ton ministre.
F. 18 151/195. Début 1875.
Tant l'homme est altéré d'abîme et d'infini!
Tant il est malaisé dans ce monde puni
Où tout est fièvre, faute, avidité, souffrance,
D'apaiser cette soif terrible l'espérance
Tant il est malaisé d'apaiser l'espérance!
[Cf. ci-après fo 75]
Fo 19 1874.
Je dédaigne Satan malgré son piédestal,
L'autel.
ce monde où les pires sont rois
Les démons sur le trône, et les dieux sur la croix.
J'ai pour muse une pâle déesse
les heureux malfaisants
Qui porte ce manteau d'étoiles, le suaire,
Qui parfois dans un coeur ne voit qu'un ossuaire,
Qui regarde en haut l'homme et non le piédestal,
Et qui, sombre, au-dessus de ce monde fatal
Où quelquefois la honte est extraordinaire,
Passe dans la nuée, et comme le tonnerre
Sent l'immense besoin de châtier quelqu'un.
au regard sérieux
les insensés, mais non les furieux
1870-1884 1029
Fo 21 70/199. Autour de 1871.
Messaline,
Hideuse et belle, en proie au démon inconnu,
Entre au lupanar, prend le premier lit venu,
S'y couche, et toute nue, aux passants; dans cet antre,
Elle montre le flanc de ta mère, son ventre,
O fier Britannicus!
Fo 22 70/352. Après le 16 février 1849.
La révolution montre quelque surprise
Quand Pasquin fait l'aimable et se familiarise;
La fauve liberté s'étonne quand Crispin
Lui vient dans son cachot tendre un morceau de pain,
*
délicate...
La France au triple front qui parfois est Hécate
Fo 23 70/173. Fin de l'exil?
Tout cela, marabouts, synodes, sanhédrins,-
Eddas, Korans, Talmuds, bonzes, rabbins, conciles
Et Sorbonnes, s'appuie au. tas des imbéciles.
Quel bloc que la bêtise humaine! quel granit'
Pour porter l'édifice énorme des mensonges!
Base à l'échafaudage effroyable des songes.
prêtres
leur véracité
Va de la mère l'Oie au Père Loriquet.
les pauvres curés comparés aux évêques
Oui, d'autres ont l'épine, et vous avez les roses,
Messeigneurs.
Fo 24 70/197. Fin de l'exil.
Madame, vous aviez un père que j'aimais.
mais si Clémence Isaure,
La même qui jadis fonda les jeux floraux
coraux
Ce que je vais conter, est-ce un rêve? une fable?
Je l'ignore. Est-ce écrit par un saint, par un diable?
Est-ce en un livre grec? est-ce en un livre indou?
C'est tombé de là-haut, du ciel, je ne sais d'où.
J'ai ramassé ce fait comme un aérolithe,
Cela vient-il de notre effrayant satellite,
La lune? Je n'en sais, ma foi, rien. Cela dit,
Je commence :
Sans crier gare, et sourd à ce que nous disons
Nous mortels, le bon Dieu nous jette les saisons
A la tête, et tant pis, dans ce noir pêle-mêle,
Si juillet nous rôtit et si janvier nous gèle.
Fo 25 92/199. Vers 1872.
le soir, leur journal fini
Après avoir bâclé leur crime du matin
Dans tous les cabarets et dans tous les tripots
... Ces hommes, ces marchands joyeux de leur honneur,
Serviteurs ricanants de toutes les vendettes,
Dépensent tout l'argent qu'ils n'ont pas, ont des dettes,
Des filles, des chevaux, un tailleur, un coupé,
Grisent Javotte avec du champagne frappé,
Et font, de ce qu'on aime et de ce qu'on admire,
Et de leur conscience, un long éclat de rire,
Soupant, buvant, mangeant, riant à pleine voix,
Gais, exquis et pendant ce temps-là, le bourgeois
Leur,bête, leur jouet, leur maître et leur esclave
Rôde farouche ayant dans sa gueule leur bave.
Que Georges lira quand il sera grand.
Fo 26 147/558. Vers 1875. Océan, 143.
fuite des nuées
Avenir.
La fraternité pacifique
Chaque jour plus vaste abritant
Sous son ombrage magnifique
Le genre humain calme et content,
Reliant toutes les contrées,
Couvrant les têtes éclairées,
Dans la plaine et sur la hauteur,
Croît, et jette d'immenses lierres
Des- Apennins aux Cordillières
Et des pôles à l'équateur.
1870-1884 1031
Fo 27 147/538. 1872?
Venise
tes prisons sont pleines d'innocents
Les cours- par où l'on sort, ville, d'herbes sont vertes,
Le délateur te dit tout bas ses découvertes.
ou :
Venise, pour vivre, tu fais pacte avec toutes les infamies, tous les
crimes
Tu dis courage au lâche et tu fais signe au traître.
L'ami livre l'ami, le. disciple le maître.
Des spectres sourds, rôdant la nuit, sont' tés soldats.
L'espion masqué sort de tes geôles géantes,
Et les bouches de bronze en ton mùr noir béantes
Causent avec Judas:'
Fo 29, 69/123.
l'Ancienne Rome
Et Juvénal s'écrie : on compte moins de justes
En notre siècle, impur cloaque, affreux chenil,
Que de portes à Thèbe ou de bouches au Nil °.
poëtes
Spurinna 5, vieux consul, était joueur de lyre;
Rufus jetait le sceptre et refusait l'empire
Afin d'avoir du temps pour écrire des vers.
Virginius Rufus.
Fo 31 - Fin 1871.
Et les êtres qu'on nomme anges, forces, esprits
Nous regardent du haut de Dieu, lointaine cîme
Vous perdez votre temps. Fouetter la mer. Ensuite?
Egratigner une montagne. Après?
ce nain,
Du beau, du vrai, du grand, insulteur ordinaire,
Montre le poing à Dante, à Shakspeare, au tonnerre.
De plus il est payé par. la. police.
F.33 1871.
Le peuple indocile -
La mer n'obéit pas; et toujours son flot bouge,
Le fît-on présider par un beau poisson rouge
Pris dans un tribunal, souple, agile, et plongeant
Entre deux eaux, avec des nageoires d'argent.
à la princesse S.G.`
Vous aussi! vous frappée! à quoi donc sert d'être ange?
F° 34 Fin de l'exil?
C'est pourquoi je vous dis
Que ce sera demain votre dernière aurore,
Que vous êtes perdus, que vous mourrez ici,
Ce qui me trouble peu, voulant mourir aussi,
Et vieux, vaincu par l'âge et.l'exil solitaire,,
Je n'ai pas de raison pour mentir sur la terre.
F.35 69/121. Fin de l'exil.
Quelque chose de plus redoutable que l'homme
Est dans l'enfant
Et l'on sent que devant cette blancheur suprême
Si Dieu voulait que l'oeil de l'homme la pût voir,
Le cygne serait sombre et le lys serait noir.
La colombe elle-même aurait un peu de honte.
Il y a en lui de l'enfant.
F° 37 Vers 1870.
Et le roi stupéfait songea. Son Dieu, sa Bible,
Son Talmud, son Koran, les faits de ses aïeux,
N'avaient jamais montré rien de tel à ses yeux.
Et pendant qu'il parlait
toute l'armée
Fut un feuillage énorme et vague, et disparut.
La montagne
Et tout, tremblant, au fond des cieux s'évanouit,
Fut un feuillage énorme et vague, et disparut,
Le roi se dissipa, la montagne décrut
Et cessa d'être un lieu quelconque, et les abîmes,
Les gouffres entrevus, les profondeurs, les cîmes
Firent on ne sait. quel tumulte dans la nuit,
Et tout, au fond des cieux, tremblant,.s'évanouit.
Alors on entendit passer des voix.étranges
1870-1884 1033
Disant,des mots compris des spectres et des anges,
Et dont le sens était.: -
Sachez que Dieu voulant...
Défense, pas un mot dé plus, homme insolent.
8 245/41. 1872-73.
Quelle fête après le rude hiver!
Un rayon sort de l'ombre,.une aile sort du ver.
- `G sources! ô clartés! éclosion d'aurores.!
Tous les petits oiseaux pendent leurs nids sonores
A la branche sacrée et tremblante de mai
L'antre énorme aboutit au radieux jardin;
Et c'est pourquoi mon vers d'acier; changé soudain,
Chassant subitement les strophes vengeresses,
Va tutoyant les dieux et baisant les déesses.
Fo 39 :213/98. Août 1873.
Ma correspondance
avec M. de Broglie
au sujet de Rochefort'
Un regard d'ombre. entraîne une barque sur l'eau.
Cette ombre est Paola femme.de Paolo,
Paola"venait voir si Paolo demeure
Toujours au même endroit et sort à la même heure.
,le soir -. ..
.:... toute Margot qui passe est uné -Eleétre;-
Le bois a l'air d'un songe et l'arbre semble un spectre.
0 144/20. Postérieur au 22 février 1874.
Moi, je faisais des vers, mais lui c'était un sage
Il mangeait, regardant fort peule paysage
Une armée, c'est comme une nuée .
Il ne regardait pas beaucoup'. le paysage,
Buvait, mangeait, dormait, se- battait, s'amusait
Il préférait Goton une fleur au corset,
Ou Toinon retroussant sa jupe en grosse toile,
A Pallas Athéné, déesse aux yeux d'étoile.
Ah! la postérité t'admirera!
Fort bien, il nous plaît d'être odieux devant elle,
Et nous allons railler ta couronne immortelle!
Et comment voulez-vous qu'il en soit autrement?
Mon sabre coupait- mal, je l'aiguisais au cuir
De ma botte, et voyais les ennemis [croates] s'enfuir.
J'eus alors un succès populaire étonnant.
F° 41 147/21. Vianden, 1871.
Le flot heurte la plage et le vent heurte l'onde;
Cybèle par moments jusqu'à Phoebé la blonde
Étend son long bras d'ombre et lui. donne un.sôufliet.
Le faux trébuche aù vrai; le beau se cogne au 'laid;
Paul-Louis cherche noise à'monsieur de Genoùde 8;
L'église à la mosquée-offre des coups de coude;
L'agneau pascal se gourme avec le boeuf Apis.
Le marteau bat le fer, le fléau les épis.
Le mari bat sa femme, Urbain bat Galilée,
Homme, et de tous ces chocs ta science est fêlée.
F° 42 92/43. 1873?
Ainsi rugit le tigre, et le monstrueux: chat
Resta rêveur.
Misérable pareil à la taupe, au cloporte,
A la limace, aux vers du sépulcre et plus qu'eux
Abominable,'.vil, rampant, fangeux, visqueux,
joyeux
Avec une lueur sinistre dans les yeux.
Fo 45 6/67. Après le 6 avril 1876. Océan, 118.
Les morts -. songez aux morts et laissez là vos bibles! -
Ne sont point les absents, ils sont les invisibles.
Ces yeux toujours ouverts, nous les croyons fermés.
Les morts mystérieux ont besoin d'être aimés.
Dans leur ascension' comme dans leur descente;
O ciel noir,je demande à l'haleine innocente
1870-1884 1035
Qui sort des fleurs et semble une âme éparse au vent
De calmer le sépulcre obscurément vivant
Et sur qui le silence impénétrable pèse,
Et je veux que l'étoile en le baisant l'apaise,
Et je ne trouve rien de-trop grand, de trop beau
Polir faire une caresse aùx pierres dû tombeau.
F° 46 .. 6/33. 1874-76. Océan, 73.
Lueur du soupirail
Est-on de son vivant renseigné sur la mort?
Faut-il croire l'espoir ou croire le remord?
Sait-on, tandis qu'on rampe en cette obscure sphère,
Les surprises qu'un jour l'abîme doit nous faire?
Sait-on, lorsqu'un cadavre entre au tombeau dormant,
Quelles ailes ce mort ouvrira brusquement,?
Connaît-on ici-bas l'envergure des âmes?
Nous sommes ~ des foetus 'nés du ventre des femmes
Et des géants formés de lùmière et d'effroi.
Quelle espèce de spectre un homme porte en soi,
Le sait-on? Nôtre vie.est un radeau qui sombre.
Nous avons 'tous en nous une quantité d'ombre
Qui' doit plus tard, à l'heure où plus loin nous fuyons,
Se pénétrer de flamme ou s'emplir de rayons.;
En fantômes sereins ou noirs la mort nous change,
Et l'un est un vampire et l'autre est un archange.
F° 47 Après le 31 janvier 1865.
Ce poète a aimé. On l'a trahi.'
Homme infortuné.
Maintenant, il est fou. Pleurant, riant, criant,
Nuit et joùr, sans sommeil;. sans trêve, -
Il délire, et du haut des radieux sommets
Son génie effaré tombe et roule à jamais
Dans les précipices du rêve.
F° 48 1874.
Je n'aime pas qu'un roi fasse "pousser des cris.
Rois, j'ai dans ma main droité une plume, et j'écris.
Et je ne sais quel glaive est 'dans ma main sinistre.
Cette main gauche-là devant tel vieux ministre,
Tel vil sultan, tel bonze affreux, tel lâche émir,
Sent vaguement l'épée effrayante frémir.
De là les châtiments farouches.
. Schoelcher
Comédie
.. il est, mon cher,, deux genres de folie;
La.première, c'est d'être un viveur à vingt ans,
La seconde, c'est d'être un avare au printemps.
On entendait, dans l'ombre immense des campagnes,
Un bruit de foudre au loin derrière les montagnes.
C'était dans l'affreux Champ d'Endor, lieu détesté.
L'hiver, le froid, ces nuits, ce vent, quelle inclémence!
F° 50 1870 ou 1871.
Une ville finit- par être une personne.
Peuple de France,rien ne dépasse ici-bas
Tes tempêtes, tes deuils, tes travaux, tes combats.
La Révolution..est ' ton effort suprême.
Tu changes de. Vaisseau, mais ta route est la même.
C'est pour 89 que travaillé Austerlitz
Tes drapeaux ont toujours. des 'rayons dans leurs plis.
Choisis la terreur rouge ou bien la terreur noire
D'abord je ne crois pas à la terreur. Après
Je choisirais la rouge.
*
Que venez-vous m'offrir? Le pouvoir? Permettez.
Si l'on avait le temps, je ne dis pas -
Or le pouvoir étant toujours interimaire,
J'aime mieux les enfants, et j'aime mieux la mère.
*
Paroles à Jeanne - entre deux bombardements'.- dans un entracte
du bombardement ..
Fo 52. 1874?
Nul n'était entré là, nul n'en était sorti.
Le monde était quelqu'un qui n'est pas averti;
Attendu sur les,monts, attendu sur les nues
Par l'éblouissement des choses inconnues;
Qui dira cette horrible et profonde stupeur?
= et l'on sent qu'on a peur.
Après la mort de Napoléon III. 1873?
après la perré
laissez faire la fourmilière!
Fo 54.
1870-1884 1037
Laissez la ruche autour des fleurs se réveiller!
Laissez l'énorme foule humaine travailler!
O paix! aurore! ô paix! avril! ô paix! richesse!
et là-haut
Tu vois Morny, ton frère et bâtard de Flahaut,
Si vous vous conservez des-roideurs.imbéciles,
Je n'ai sien à vous dire, ô jacobins fossiles
F? 55 141/45. Fin de l'exil?
cieux étoilés, forêts-asiles
de loin -
D'où je regarde avec une vague épouvante
Les rois, leurs jeux, leur joie affreusement vivante,
Les Louvres, les tyrans chantant : nous triomphons!
L'orgie et la rougeur sinistre des plafonds.
Je songe à l'Orient profond
... et je jette la sonde
Parfois jusqu'à Bagdad et jusqu'à Trébisonde
F? 56 1869-70.
C'est une erreur de croire que la fleur.est stupide,
Et, ne hait pas.
Quand les tyrans sont là, l'idylle est indignée.
la rose
les prés verts
Et mettent pour les coeurs furieux quelque chose
Au fond des vers.
Alizon deviendra Lisette,
Et Marot sera Béranger.
[Suivent des ébauches pour Années Funestes, VI]