Fo 193 6/121. Vers 1880.
Empereur, César, Roi, notre maître est superbe.
Il ajoute des morts aux fleurs qui sont dans l'herbe.
Que c'est beau, ton monceau de cadavres. Ô gloire!
Les rois, quand il leur plaît qu'une plaine 'soit noire,
Changent leur pourpre énorme en un vaste linceul.
César est fort, César est grand, César est seul.
Il règne; et le soleil semble son crépuscule.
Tous les monts rédoutés, Caucase, Janicule,
L'Olympe éblouissant, le Sina ténébreux
Tremblent qu'un jour son pied ne se pose sur eux.
ces mondes
Dont l'échevèlement d'un astre est l'éclaireur
Les Prêtres
Bénis César vainqueur, Baal, Jésus; Hercule,
Jupiter, Jéhovah, Moloch, Allah, Mithra!
La lune cette nuit, pâle, contemplera
Comme un amas confus d'obscures rêveries
La sombre immensité des bois et des prairies.
Les vautours accourront joyeux de toutes parts,
Et les morts regardant les cieux seront épars.
Car au noir genre humain il faut un conquérant,
César guide à travers la nuit le monde.errant,
Et la terre a besoin du flamboiement des glaives;
Elle ressemble aux cieux entrevus dans les rêves
Dont l'échevèlement d'un astre est l'éclaireur.
Fo 195 9/2. Océan, 144.
Enfant, le peuple te regarde,
La foule se tourne vers toi.
César te voudrait dans sa garde,
Jésus te voudrait dans sa loi.
Ne sois ni pour l'un ni pour l'autre;
Ce sont deux bien grands hommes; mais
De la vérité sois l'apôtre,
Laisse-les sur leurs deux sommets.
George est à genoux, Jeanne prie;
Enfants, l'oeil céleste est sur vous;
Inclinez-vous, l'âme attendrie;
Le monde est grand, le maître est doux.
30 octobre 1883.
19 avril 1884.
les voleurs
La nature a des tas de voix qui vous provoquent.
Vous obéissez mieux, parmi toutes.ces voix,
A celle qui dit : Prends! qu'à celle qui dit : Vois!
ces sinistres navires
Attachés au rivage et captifs comme lui,
Et qui baillent la foudre avec un sombre ennui.
28 avril.
justum ac tenacem propositi etc.
Fo 196
1870-1884 1075
si fractus illabatur orbis,
impavidum ferient ruinae
L'homme juste est solide. Il va sans reculer.
Ni la foule en fureur, ni le tyran qui gronde,
Ni l'auster frémissant, maître de l'eau profonde,
Rien qui puisse en sa marche honnête le troubler.
Si le monde croulait, le monde
L'écraserait sans l'ébranler.
l'univers s'écroulant
Écraserait mes os sans ébranler môn âme.
9 mai 1884.
... je dis bonjour au chat;
Je lui donne la patte, il me donne la griffe;
Nous sommes bons amis.
(quoique l'heure présente ait, etc.)
etsi tristis sit bora praesens, nolo mori30.
VERS FAITS EN DORMANT
Dans l'avril de la vie
Et l'avenir brumeux dans ses ondes charrie
Votre gloire mêlée aux débris des tyrans.
(vers faits la nuit en dormant le 12 7bre 1834)
Fo 199 144/277. Océan, p. 488.
Orientale
On entendait siffler le serpent javelot.
Est-ce que ce n'est pas un désolant spectacle
De voir dans notre siècle, immonde réceptacle
De vices qu'on étale aux portes du saint lieu,
Des femmes secouer la tête d'un air triste
Et dire à Jésus-Christ : vous êtes un artiste,
Vous n'êtes pas un Dieu!
Vers faits en dormant la nuit du 17 au 18 mai 1843.
Fo 200 Océan, p. 489.
Mon oncle était fort mal. Dans cette extrémité
Vinrent quatre docteurs selon la faculté.
Il est bien, dit Tant-mieux; Tant-pis dit : qu'on l'enterre!
Saignez! dit Sangrado; Purgon cria : clystère!
Et le cher oncle, en proie à ces savants malsains,
Mourut écartelé par quatre médecins.
Fo 198
Nuit du 2 au 3 9bre 1847.
1870-1884 1077
F° 201 147/104. Océan, p. 489.
J'ai vu ce Phar'aon superbe 'dans sa tombe.
Car devant mon: regard toute" muraille tombe;
Je vois avec l'esprit le dedans des tombeaux.
Il dormait, pâle et nu, cet homme, de discorde,
Assis sur une pierre et lié d'une corde;
A terre, et sur ses pieds appuyée à,demi,
La -Mort, qu'il a;de sang enivrée et lassée,
Dormait aussi, la corde entre ses doigts passée,
Et le spectre endormi gardait l'homme endormi.
Nuit du 8 décembre 1850.