Le prophète et le poète
Affirment l'être au néant ;
La terre écoute inquiète
Cet archange et-.ce géant ;
La foule aux vils dialogues,
Ce tas de loups et de dogues
Qui, rôdent sous le ciel bleu,
Tout ce noir troupeau qui nie
Aboie après le génie
Interlocuteur' de Dieu.
Toute la sombre cohue
'Des errants 'et des vivants
Craint les 'penseurs-; elle hue
Ces grands fronts, battus des vents ;
Elle s'écrié en sa haine :
« D'où vient qu'ils n'ont pas de chaîne,
Et planent quand nous fuyons ?
D'où vient -que leurs coeurs flambôient?
Qu'est-ce donc que leurs yeux voient,
Pour avoir tant de, rayons ? » ' '
Quand les grands aigles fidèles
Dans l'âpre nuit sans amour . -
Vont, donnant 'de fiers coups d'ailes
Du côté du point du jour,
862 DERNIÈRE GERBE
L'ombre aveugle, l'ombre athée,
Invective, épouvantée,
Ces passants à l'oeil vermeil
Qui troublent sa solitude
Avec leur vieille habitude
De regarder le soleil.
1" janvier 1854,