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 Victor HUGO (1802-1885) LE PAPE

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) LE PAPE   Victor HUGO (1802-1885) LE PAPE Icon_minitimeSam 31 Déc - 11:59

LE PAPE

De la douleur de tous et de ta joie à toi.

Il fait un pas et regarde fixement le Patriarche.

Prêtre, on souffre ! et le luxe odieux t'environne !
Commence par jeter par terre ta couronne.
La couronne est gênante à l'auréole. Il faut
Choisir de l'or d'en bas ou du rayon d'en haut.
Sache, ô pasteur joyeux, que les peuples frissonnent ;
Sache que le ciel pâle est plein d'heures qui sonnent
Le tocsin des berceaux, le glas des nouveau-nés.
Prends garde aux innocents dont tu fais des damnés.
Crains le mal qui flamboie et que toi-même attises
Avec tes vanités, avec tes convoitises.
Frère, ne soyons pas des prêtres désastreux.
N'imitons pas les rois qui se volent entr'eux
Les Alsaces, les Metz, les Strasbourg, les Hanovres.
Prêtre, à qui donc as-tu pris ta richesse? Aux pauvres.
Quand l'or s'enfle en ton sac, Dieu dans ton coeur décroît.
Apprends qu'on est sans pain et sache qu'on a froid ;
Les jeunes filles vont rôdant le soir dans l'ombre.
Tes rochets, ta chasuble aux topazes sans nombre,
Ta robe où l'Orient doré s'épanouit,
Sont des spectres qui sont noirs et vivants la nuit,
Et qui prennent Jésus dans sa crèche, et le tuent.
Sache qu'au lit public les femmes s'habituent
Parce qu'il faut céder, se rendre, et vivre enfin,
Le riche ayant le vice et le pauvre la faim.
Que te sert d'empiler sur des planches d'armoire
Du velours, du damas, du satin, de la moire,
D'avoir des bonnets d'or et d'emplir des tiroirs
De chapes qu'on dirait couvertes de miroirs ?
O pauvres que j'entends râler, forçats augustes,
Tous ces trésors, chez vous sacrés, chez nous injustes,
Ce diamant qui met à la mitre un éclair,
Cette émeraude où semble errer toute la mer,
Ce resplendissement sombre des pierreries,
C'est votre sang, le lait des mamelles taries,
C'est le grelottement des petits enfants nus !
C'est votre chute au fond des gouffres inconnus !
Le faste de ce prêtre, ô pauvres, représente
Ce que vous n'avez plus, votre vie innocente,
Le loyer du logis, le tison du foyer,
La dignité du coeur qui ne veut pas ployer,
Le travail qui s'accroît par l'épargne qui monte,
Votre joie, et l'honneur des femmes, et ta honte,
Prêtre ! - Rends ces trésors aux pauvres ! Rends-les tous !
Escarboucles chez eux, immondices chez nous !
Quoi ! tandis que là-haut l'immense Éternel pense ;
Tandis que sans fatigue et sans fin il dépense
La lumière, et maintient les soleils au complet,
Pour que tout marche et vive, et pour prouver qu'il est ;
Tandis que dans cette ombre où court le météore,
Il nous regarde avec ses prunelles d'aurore ;
Tandis qu'il met au monde énorme un tel ciment
Que rien ne s'est défait dans le bleu firmament
Le jour où dans le ciel que d'autres cieux pondèrent,
Les formidables vents démuselés grondèrent;
Tandis qu'il fait rôder plus d'astres dans les cieux,
Plus d'éclairs, plus de voix, plus de bruits, plus de feux,
Plus de prodiges, noirs ou sereins, sur les grèves,
Sur les monts, dans les bois, que l'homme n'a de rêves ;
Tandis qu'il est. cet être inconcevable-là.
Nous prêtres, nous vieillards, drapés d'un falbala,
Plus chargés de bijoux que des filles publiques,
Tournant vers les faux biens nos extases obliques,
Tandis que lui, celui qui ne prend ni ne vend,
Lui le sombre Seigneur de la foudre, est vivant,
Nous, sous quelque portail d'église ou d'abbaye,
Nous offrons et montrons à la foule ébahie,
Sous la pourpre d'un dais et les plis d'un camail,
Un petit bon Dieu rose avec des yeux d'émail !
Un Jésus de carton ! un Éternel de cire !
On le promène, on chante, on prêche, on le fait luire,
En marchant doucement.de crainte qu'un cahot,
En secouant l'autel, ne casse le Très-Haut !
Chaque temple a son saint qu'il rente et divinise.
Tandis que le monceau des hommes agonise
Et que la haine couve en d'âpres, coeurs grondants,
Tandis que la famine aux effroyables dents
Dévore l'atelier, le grenier, la chaumière,
Nous étalons, avec des effets de lumière,
Des bonshommes de bois au fond d'un corridor,
Brodés d'or, cousus d'of, : chaussés d'or, coiffes d'or ;
Nous avons des saints-Jeans et des saintes-Maries
Que nous emmaillotons dans des verroteries !
Nous dépensons Golconde à vêtir le néant.
Et, pendant ce temps-là, le vice est un géant.
Et le lupanar s'ouvre, affreux bagne des vierges !
Et je vous le répète, allumez tous vos cierges,
Faites le tour du temple en file, deux à deux,
Vous n'empêcherez pas que cela soit hideux !

Oui, pendant ce temps-là, parce qu'il faut qu'on mange,
Parce que votre luxe a pris son pain, un ange,
Une âme, une innocence entrera dans la nuit !
Pour vêtir de brocard l'idole qui reluit,
Les colombes. du ciel deviendront des orfraies !
Oui, des femmes de chair et d'os, des femmes vraies,
Honnêtes, fleurs d'amour et lys de chasteté,
Paîront de leur pudeur et de leur nudité,
De toutes leurs vertus mortes et dissipées,
Votre imbécillité d'habiller des poupées !
Entendez-vous cela ! Comprenez-vous cela !
Trouvez-vous que je parle assez haut ! Dieu parla
Jadis de cette sorte aux songeurs sur les cimes ;
Et nous quand sur l'autel, pensifs, nous nous assîmes,
Prêtres, ce n'était pas pour être des démons.
O mes frères, aimons, aimons, aimons, aimons !

Prêtres, la croix de bois et la robe de bure,
Le front haut chez les rois, et pas d'autre courbure
Que le fléchissement des âmes devant Dieu !
Quoi ! les rois sont la roue et vous êtes l'essieu !
Le peuple est sous vos pieds, parce qu'il est la base,
Et vous faites rouler sur lui ce qui l'écrase !

Sachez que vos grandeurs sont des chutes ! Sachez
Que le fourmillement lugubre des péchés,
O noirs vendeurs du temple, emplit votre opulence
Et que Jésus, ayant au flanc le coup de lance,
S'est enfui, se voilant la face, n'ayant pu
Voir le peuple affamé sous le prêtre repu !
Ne pouvant voir cela, Christ a dû disparaître !
Il s'en va. Car pour lui les diamants du prêtre
Ont la même lueur que les yeux du chacal.
O froc de bure, ô saint haillon pontifical,
Sois ma splendeur. Je sens rentrer sous cette robe
L'âme que le manteau de pourpre nous dérobe ;
Je revis. Du linceul le prêtre est bien vêtu.
Il devient sous la bure exemple, honneur, vertu,
Serviteur de qui souffre et juge de qui règne ;
Comme il est faible, il faut que le tyran le craigne ;
Car les faibles sont pleins de la force de Dieu.
Sa robe noire passe à toute heure, en tout lieu,
Parmi les deuils, les maux, les fléaux, les désastres,
Et quand il la secoue il en tombe des astres !
Il en tombe le vrai, le bien, le beau, le grand !
Prêtres, votre richesse est un crime flagrant !
Vos coeurs sont-ils méchants ? Non, vos têtes sont dures.
Frères, j'avais aussi sur moi ce tas d'ordures,
Des perles, des onyx, des saphirs, des rubis.
Oui, j'en avais sur moi, partout, sur mes habits,
Sur mon âme ; mais j'ai vidé cela bien vite
Chez les pauvres.
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Victor HUGO (1802-1885) LE PAPE
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