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 Victor HUGO (1802-1885) LES ÉVÊQUES

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Victor HUGO (1802-1885) LES ÉVÊQUES Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) LES ÉVÊQUES   Victor HUGO (1802-1885) LES ÉVÊQUES Icon_minitimeSam 31 Déc - 12:01

LES ÉVÊQUES

O sombre cécité !


LE PAPE

Je vous dis que je vois.
J'étais sur un sommet doré, sur un pavois,
Dans l'encens, dans les chants et les épithalames.
J'ai senti tout à coup l'immense poids des âmes;
Et je suis descendu, sachant que je montais.
Le dogme n'a d'appuis, l'Église n'a d'étais
Que nos fragilités ; tâchons qu'elles soient pures.
Oui, j'ai vu les douleurs, oui, j'ai vu les souillures,
J'ai vu le bien gisant, j'ai vu le mal debout,
Et j'ai songé. Ciel noir ! les crimes sont partout,
Mais il n'est qu'un coupable, et c'est le responsable.
J'ai vu les maux nombreux plus que les grains de sable,
Les forfaits plus épais que les branches des bois,
L'infâme orgie en rut, l'innocence aux abois,
Et j'ai dit en moi-même, en voyant les deux mondes
Pleins de brocanteurs vils et de. vendeurs immondes :
Ce prêtre sur l'argent hideusement penché,
Ce juge qui chuchote à voix basse un marché,
Cette fille à l'oeil fou, cette bohémienne,
Qu'est-ce qu'ils vendent là ? Leur âme ? Non, la mienne !
Alors j'ai pris la fuite, épouvanté, voulant
Être bon, m'arracher tous ces crimes du flanc,
Guider, sauver, guérir, supprimer les Sodomes,
Bénir, et rendre enfin Dieu respirable aux hommes !


LE PATRIARCHE

Vous avez un devoir, foudroyer.


LE PAPE

Avertir.


LE PATRIARCHE

Songez au Dieu vengeur.


LE PAPE

Je songe au Christ martyr.


LE PATRIARCHE

Roi...


LE PAPE

La chaire changée en trône est impudique.
Pauvre et nu, Jésus règne ; et, roi, le prêtre abdique.
Prêtre, j'ai le roseau de Jésus à la main ;
Roi, je n'ai plus qu'un sceptre ; et pour le genre humain
Je ne suis plus qu'un prince obéissant aux princes,
Concédant, consentant, tremblant pour mes provinces,
Courtisan du plus fort, à céder toujours prêt ;
Jamais la royauté du prêtre n'apparaît
Sans une transparence affreuse d'esclavage.
Je ne fais point partie, ô prêtres, du ravage,
Du supplice et du meurtre, et ne veux point m'asseoir
Parmi ces rois sur qui tombe l'éternel soir.
J'aime ! je sens en moi la grande clarté vivre.


LES ÉVÊQUES

Guide-nous, mais suis-nous. Pour guider, il faut suivre.


LE PAPE

Jamais. Je suis sorti, plein d'horreur et d'effroi,
De toute votre nuit ! Quoi ! l'on eût dit de moi :
Terre, cet homme avait la garde d'une idée,
La plus haute que l'ombre ait jamais possédée,
Clarté sainte au-dessus du gouffre obscur des coeurs ;
En dépit des vents noirs rapidement vainqueurs
Et vite évanouis, cet homme était le mage
Mystérieux, chargé du mutuel hommage
Que se doivent les cieux et les âmes, rapport
Et lien entre un mât frissonnant et le port,
Échange de lueur entre l'abîme et l'homme.
Quoi ! parce que de vains simulacres qu'on nomme
Princes, maîtres, seigneurs, chefs, souverains, césars,
Parce que de faux dieux, composés de hasards,
Ou du hasard de vaincre ou du hasard de naître,
Parce que des puissants que le néant pénètre
Sont venus le trouver, lui le veilleur qui n'a
Ici-bas d'autre droit que de dire Hosanna
Et de montrer du doigt là-haut l'âme éternelle,
Lui qui doit, fils de l'aube, ému, vivant en elle,
Toujours songer, pleurant sur le mal châtié,
Au moyen de changer la lumière en pitié ;
Quoi ! parce que ces rois, quoi ! parce que ces ombres,
Parce que ces faiseurs de cendre et de décombres
Sont venus à sa porte, et durs, fiers, belliqueux,
Ont dit : sois avec nous ! - cet homme est avec eux!
Quoi ! cet homme, le monde étant dans les ténèbres,
Offrait dans son bazar aux acheteurs funèbres,
O terreur ! le rayon qui blanchissait le ciel !
Lui l'éclaireur suprême et providentiel,
IL bénissait l'affreuse éruption des laves !
Cet homme s'était fait marchand de ces esclaves,
La vérité, l'honneur, la justice et la loi,
Prenait le droit au peuple et le donnait au roi ;
Priait pour ce qui tue et contre ce qui tombe !
Cet homme a fait lancer la foudre à la colombe!
Il a fait de Jésus le valet d'Attila!
Quoi! l'on eût dit de moi : Regardez; le voilà!
Il avait en dépôt notre âme, il l'a perdue!
L'aurore se levait, cet homme l'a vendue !
Il a prostitué l'étoile du matin !:
Non! non!


LE PATRIARCHE

Vous blasphémez, Pape !


LE PAPE

Prêtre hautain,
Sois humble! Autel doré, dédore-toi, rayonne !
Plaie au flanc du Christ, bouche auguste qu'on bâillonne
Ouvre tes lèvres, parle, et dis la vérité !
Rentre en ton patrimoine, homme déshérité.
Femmes, enfants, ayez des droits. Peuple, aie une âme.
A moi, prêtres ! Prêchez le vrai que je proclame,
Soyez simples de coeur. Soyez, sous le ciel bleu,
Près des petits enfants pour être près de Dieu.
Plus le pontife est doux, plus le temple est sublime.

Tout s'évanouit et s'efface autour du pape.

Quoi ! plus de prêtres ! Quoi ! plus de temple ! - L'abîme.
Tout disparaît. Jadis Babel ainsi croula.
Me voilà seul ! Plus rien que l'ombre.
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Victor HUGO (1802-1885) LES ÉVÊQUES
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