II
Alors, comme le soir descendait sur la terre,
Il vint dans une plaine où des hommes de guerre
Avaient dressé leur camp; - sous les deux étoiles,
Pour l’étape nocturne, ils s’étaient rassemblés,
Et leurs confuses voix troublaient le crépuscule.
Téménus, un des chefs de la race d’Hercule,
Menait ces combattants qui, le fer à la main,
Devaient aux murs d’Argos frapper le lendemain.
Épars sur les gazons, en attendant l’aurore,
Ceux-ci dormaient, ceux-là buvaient à pleine amphore;
Éclairés par la lune aux paisibles lueurs,
D’autres lançaient le dé d’ivoire, âpres joueurs.
« Holà! connaissez-vous ce vieillard qui chemine?
Dit un de ces derniers, soldat à rude mine.
Méfions-nous, amis, de ces haillons fangeux.
Vient-il furtivement dérober nos enjeux? »
Le vieillard s’arrêta sur le bord de la route.
« Je ne suis pas, dit-il, ce voleur qu’on redoute;
Je ne suis qu’un chanteur qui passe en mendiant. »
» Un chanteur! firent-ils tous ensemble, riant;
Une lyre, en effet, est pendue à sa hanche.
Eh bien, divertis-nous, chanteur à barbe blanche;
Tu boiras à ce prix un flot de notre vin. »
Entouré de leur groupe, alors, l’homme divin
Prit sa lyre, et les bois au loin firent silence.