VI
C’est ainsi qu’il chantait, quand, de son clair sourire,
L’Aurore illumina les cordes de sa lyre.
Une acclamation salua le vieillard:
« O grand homme inconnu! par quel don, par quel art,
S’écriaient les soldats, t’empares-tu des âmes?
Quel dieu mit dans tes chants ces vertus et ces flammes?
Nous aussi, nous irons combattre; il faut qu’un jour
Quelque immortelle voix nous chante à notre tour!
En vain la vieille Argos a triplé ses murailles;
Nous partons, altérés d’une soif de batailles,
Nous courons l’assiéger, et, demain, grâce à toi,
Le chef qui nous conduit sera son nouveau roi!
Mais toi, front digne aussi d’un royal diadème,
Parle, ô divin chanteur, parle, où vas-tu toi-même?
» Moi, dit-il, pour gagner un pays qui m’est cher,
Je descends vers Nauplie et vais passer la mer.
» Eh bien, sois allégé d’une part du voyage.
Viens, monte sur nos bras, père affaibli par l’âge!
Viens! » répondirent-ils.
Viens! » répondirent-ils. A ces mots, six d’entre eux
Le soulèvent du sol dans leurs bras vigoureux,
Et, sur un bouclier, large et solide siège.
Placent le demi-dieu que suivra le cortège.
Ils partaient; le soleil de ses rayons premiers
Éclaira le triomphe; il mit sur les cimiers,
Il mit sur les carquois l’or de ses étincelles;
Les chevaux hennissaient, fiers, secouant leurs selles,
Et le clairon farouche et la flûte aux sons clairs
Entraînèrent la marche, et, porté dans les airs
Sur ce trône guerrier qui plane et se balance,
L’aveugle souriait et pleurait en silence!. . .