VII
Entre ces morts, au pied d’un hêtre ou d’un sapin,
L’empereur reconnaît l’archevêque Turpin.
La croix dans une main, une lance dans l’autre,
C’est le moine guerrier, c’est le soldat apôtre,
Qui, mêlant la colère et l’injure au sermon,
Parlait à l’ennemi comme on parle au démon.
Homme d’orgueil pieux et de rigueur tenace,
Sur sa lèvre entrouverte on sent que la menace
Précéda la prière ou vint l’entrecouper,
Et qu’il ne dut bénir qu’en cessant de frapper.
Plus loin, sur un tapis de fleurs de la montagne.
C’est le jeune Olivier que trouve Charlemagne.
La mort, dans son éclat riant et printanier,
A moissonné le fils du vaillant duc Régnier.
Il est là, comme un lis tout meurtri par l’orage,
Celui pour qui Roland eut, dès son premier âge,
Cette belle amitié dont le ciel fut témoin. . .
« Roland, dit l’empereur, ne doit pas être loin.»
Il cherche, il cherche encore, et, sous les arbres sombres,
Au pied de ces rochers pâles comme des ombres,
Il reconnaît enfin son ami, son parent.
Ce Roland qui jamais ne lui parut si grand!
Le cadavre couvrait tout un arpent de terre.
Mais de son large front, béant comme un cratère.
Le sang, sous la visière, avait coulé si noir
Que le visage était méconnaissable à voir!
Est-ce bien lui, grand Dieu! si livide et si blême?
Est-ce bien le soldat sans rival? C’est lui-même!
Voilà bien son écu marqué de son blason,
Et voilà bien son gant tombé sur le gazon!