Dans le soir.
Dans les ombres au loin, l'église a blasphémé
Qui dit le mal de vivre avec son orgue vague.
Ô toi, le plus splendide et le plus affamé. . .
Tu marches sur la nuit comme sur une vague,
Quand tu lèves les yeux vers l'azur bien-aimé,
Tu vois le dieu du soir qui s'éloigne et qui vague. . .
Et toi, pauvre comme eux et comme eux sans lien,
Pâle prophète ayant dans les yeux une flamme,
Pardonne, comme si ton pardon n'était rien!
Et l'herbe sous tes pieds est une longue gamme.
Et le grand bois astral se dresse et se souvient
Dans le silence et la musique de ton âme. . .
Le figuier, où confus et plein d'un grand dessein,
Tu t'adossas le soir pour rêver de merveille,
Met sa dentelle d'ombre au marbre de ton sein.
Et l'herbe patiente à tes pieds s'ensommeille,
Et l'adoration erre comme un essaim
À l'arbre pur et blanc, ô maître, de ta veille.
Pense au très long soleil sur le seuil étouffant,
Aux chambres de silence, aux douleurs dépensées,
Aux faibles que lassa l'avenir triomphant.
Car la vie est un cri vers les choses passées.
Et nous sentons le soir nos prières d'enfant
Revenir près de nous comme des délaissées. . .
Règne par le silence et la douceur au loin,
Divinise de joie un passant sur la route,
Et sois persuadé que le pauvre a besoin. . .
Ta parole est la gloire exauçant la déroute.
Prière radieuse, et tout près, comme un soin,
Ô voix qui parle un peu, mais qui surtout écoute. . .