Les vieux ormes
Sous le vent qui les décime,
Tout tordus et tout penchés,
Les vieux ormes, tout en cime,
Dressent leurs troncs ébranchés.
Leurs fatidiques murmures,
Échos des siècles éteints,
De ramures en ramures,
Sont plus graves, plus lointains.
L'effroi sacré qui les hante
Se répand sur le coteau.
Un oiseau parfois y chante,
Mais il repart aussitôt.
Il n'a pas le coeur à rire,
Le petit chanteur ailé.
Peut-il accorder sa lyre
En un lieu si désolé?
Seules, dans l'horreur sylvestre
Du bocage qui se tord,
Gémissent les voix, qu'orchestre
Le souffle errant de la Mort.
En vain le pâtre y profère
Ces mots qui, redits trois fois,
De la rouille mortifère,
Délivrent les nobles bois.
Sous le vent qui les décime,
Las de geindre et de souffrir,
Les vieux ormes tout en cime,
Les vieux ormes vont mourir.
Selon le rite champêtre
Que saint Mamert a prescrit,
Invoquons, avec le prêtre,
Le Fils, le Père et l'Esprit;
Et, par les champs, trois dimanches,
Portant haut la croix d'argent,
Allons lire sous les branches,
L'Évangile de saint Jean.