Les cerises
À l'ombre du fruitier vermeil,
Qui, sous le poids des fruits mûrs, penche,
Qu'il est bon manger sur la branche,
Les grappes chaudes de soleil!
Sur l'arbre qui les a produites,
Et, dans leur chair, a saturé
De sucre le jus empourpré,
C'est notre été qui les a cuites.
C'est le riche terroir natal,
La bonne terre fortunée
Qui nous présente, chaque année,
Les prémices d'un tel régal.
Est-il mirabelles et pêches
Qui puissent nous rassasier,
Comme, aux branches du cerisier,
Nos juteuses cerises fraîches?
Pourrions-nous trouver autres parts,
Quoi que l'étranger nous en dise,
La savoureuse friandise
De nos vieux fruitiers campagnards?
En ce pays où tout abonde,
La larve des noirs papillons
Ronge, en ses glorieux haillons,
L'érablière moribonde.
Pour nous dédommager un peu
D'une telle ruine agreste,
Sur le Bien royal qui nous reste,
Brille toujours, soleil de Dieu!
Dans tous les jardins de la plaine,
Au coeur de nos fruitiers caducs,
Fais couler la sève et les sucs
Dont la terre natale est pleine!
Pour que le Seigneur, à son jour,
Nous donne à même ses richesses,
Une obole de ses largesses,
Une goutte de son amour.
La branche d'alisier chantant
Je l'ai tout à fait désapprise
La berceuse au rythme flottant,
Qu'effeuille, par les soirs de brise,
La branche d'alisier chantant.
Du rameau qu'un souffle balance,
La miraculeuse chanson,
Au souvenir de mon enfance,
A communiqué son frisson.
La musique de l'air, sans rime,
Glisse en mon rêve, et, bien souvent,
Je cherche à noter ce qu'exprime
Le chant de la feuille et du vent.
J'attends que la brise reprenne
La note où tremble un doux passé,
Pour que mon coeur, malgré sa peine,
Un jour, une heure en soit bercé.
Nul écho ne me la renvoie,
La berceuse de l'autre jour,
Ni les collines de la joie,
Ni les collines de l'amour.
La branche éolienne est morte;
Et les rythmes mystérieux
Que le vent soupire à ma porte,
Gonflent le coeur, mouillent les yeux.
Le poète en mélancolie
Pleure de n'être plus enfant,
Pour ouïr ta chanson jolie,
Ô branche d'alisier chantant!