II
Amour! fleuve étoilé de visions charmantes,
Où, longuement bercés de mille enchantements,
Dans des nacelles d’or, aux bras de leurs amantes,
Descendent vers la mer tant de jeunes amants;
Sorcier cruel et cher aux chansons alarmantes,
Miroir fascinateur des premiers firmaments,
Souffre qui tous les soirs de bonheur te lamentes,
Comme un immense orchestre aux divins instruments;
Enchaîné sur la rive où ta beauté s’étale,
Plus dévoré d’ardeur et de soif que Tantale,
Je consume en désirs et mes nuits et mes jours!
Comme un désert torride après l’ondée aspire,
L’aveugle après le jour, après toi je soupire;
Vers toi je tends les bras et tu me fuis toujours!
***
Oh! si jamais le voeu qui vers tes flots m’entraîne,
Si jamais le désir, charmant et redouté,
Qui remplit tout mon coeur de sa voix souveraine,
Du sévère destin ne petit être écouté;
Si jamais, pour voguer sur ton onde sereine,
Vers le calme Océan, mon unique beauté
Ne doit à ce rivage amarrer sa carène
Où ma part de bonheur m’attend à son côté;
Si, méconnu de ceux que j’avais crus mes frères,
Je dois voir s’effeuiller, au gré des vents contraires,
Mon printemps, qui déjà décline vers l’été :
Si le sort m’interdit le doux épithalame,
Sois pour moi le Leucate où s’éteigne ma flamme,
O fleuve de l’Amour, sois pour moi le Léthé!
Publié dans L'Impartial de Nice.