STANCES
Sur Une Voye De Bois.
Pendant ce froid cuisant vous me comblez de joye
De me vouloir ainsi parer de sa rigueur
Et quand je suis sans Bois, m'en promettre une Voye
C'est une douce voye à me gagner le coeur.
Quoique je ne possede encor qu'en esperance
Un tresor en Hyver si doux & si plaisant;
J'en ressens toutefois des effets par avance,
Et l'offre me réchauffe au défaut du present.
Je sçay que l'acceptant ma honte est évidente,
Et qu'un autre que moy seroit plus circonspect.
Mais j'avouë à vos pieds, aimable Presidente,
Que je tremble de froid autant que de respect.
Un amour effectif en mon ame préside
Qui tient la bagatelle indigne de ses voeux;
Et c'est bien, ce me semble, aller droit au solide
Que prendre des cottrets plûtôt que des cheveux.
Pour un si grand bien-fait dont je m'efforce d'être
Reconnoissant vers vous autant que je le puis;
J'en useray des mieux, & feray bien connoître
De quel bois je me chauffes & quel homme je suis.
A tous autres objets je feray banqueroute,
Mes flâmes brûleront sous vôtre digne aveu,
Et vous n'aurez pas lieu de revoquer en doute
Que vôtre seule grace ait allumé mon feu.
Qu'auprès de vos tisons d'une veine ampoullée
Pour vous je traceray des Vers nobles & hauts,
Car il n'est rien si doux au fort de la gelée,
Que de songer en vous quand on a les pieds chauds.
Tenez-moy donc parole, & vous donnez la peine
D'envoyer, s'il vous plaist, vos faveurs jusqu'icy,
Et songez qu'il en faut une charette pleine
Pour le soulagement d'un amoureux transy.