Chansons.
Mon cueur souffre grand martire,
Mais le dire
Permis, certes ne m'est point.
Las! c'est bien estrange chose
Que je n'ose
Monstrer le mal qui me poingt.
Ma douleur ha longue traitte,
Et secrette,
Vivement se fait sentir:
Peu à peu consommant l'ame
D'une flamme,
Qu'on ne pourroit amortir.
A fin que plus haut ne monte,
D'aide prompte
Au mal visibl' on pourvoit,
Le mien donques perdurable
N'est curable
Despuis que l'oeil ne le void.
Le sang de ma playe vive
Ne derive,
Au moins qu'il soit evident,
Voilà pourquoy ma meurdriere
Ha matiere
Pour couvrir tel accident.
Et lors que ma navr' austere
Je veux taire,
Est plus forte la moitié
Et tenant sa violence
En silence
Croistre sans mon amitié.
En tout temps ma play' ouverte
Tien couverte,
Dissimulant ma douleur,
Fors à celle que j'honore,
Car n'ignore
La source de mon malheur.
De mon mal rud' et extreme
Elle mesme
Seul' est cause, mais aussi
Je scay que d'elle procede
Le remede
Pour reparer tout cecy.
O Beauté tres estimée,
Et aymée
De moy si parfaictement:
Fay que ta rigeur s'appaise,
Et te plaise
Donner fin à mon tourment.