LA COURONNE
Couplets chantés par un roi de la fève.
Grace à la fève, je suis roi.
Nous le voulons: versez à boire!
Çà, mes sujets, couronnez-moi!
Et qu'on porte envie à ma gloire;
À l'espoir du rang le plus beau
Point de coeur qui ne s'abandonne.
Nul n'est content de son chapeau;
Chacun voudrait une couronne.
Un roi sur son front obscurci
Porte une couronne éclatante.
Le pâtre a sa couronne aussi,
Couronne de fleurs qui me tente.
À l'un le ciel la fait payer:
Mais au berger l'amour la donne;
Le roi l'ôte pour sommeiller,
Colin dort avec sa couronne.
Le français, poëte et guerrier,
Sert les muses et la victoire.
Le front ceint d'un double laurier,
Il triomphe et chante sa gloire.
Quand du rang qu'il doit occuper
Il tombe, trahi par Bellone,
Le sceptre lui peut échapper,
Mais il conserve sa couronne.
Belles, vous portez à quinze ans
La couronne de l'innocence:
Bientôt viennent les courtisans;
Comme les rois on vous encense.
Comme eux de pièges séducteurs
L'artifice vous environne;
Vous n'écoutez que vos flatteurs,
Et vous perdez votre couronne.
Perdre une couronne! à ces mots
Chacun doit penser à la sienne.
Je n'ai point doublé les impôts;
Je n'ai point de noblesse ancienne.
Mon peuple, buvons de concert:
La place me paraît si bonne!
N'allez pas avant le dessert
Me faire abdiquer la couronne.