L’Aloès.
Il poussait, à l’écart, plein d’un immense ennui,
Sinistre, hérissé, comme pour les querelles.
L’abeille, en frissonnant, se détournait de lui;
Les fleurs le regardaient et chuchotaient entre elles.
-« D’où vient qu’il est morose et n’épanouit pas
Son calice odorant sous le baiser des brises?
Au mois des papillons, a-t-il peur des frimas? »
Demandait la pervenche aux jacinthes surprises.
-« Il est donc sourd? » disaient les rosiers éclatants;
-« Aveugle? » murmurait l’oeillet à rouge crête;
« Il n’entend pas tinter la cloche du printemps,
Il ne voit pas le ciel dans ses habits de fête! »
Au bruit de leurs discours, le monstre qui dormait
Leva sa tête étrange, avec un long murmure,
Et, tout autour de lui, de la base au sommet,
Son feuillage acéré sonna comme une armure:
-« Pauvres petites fleurs, que je verrai mourir,
« Je ne suis pas gonflé d’une sève ordinaire,
« Mon calice effrayant met un siècle à s’ouvrir,
« Et mes éclosions sont des coups de tonnerre! »