L'AUTOMNE
Le ciel n'a plus d'azur; l'atmosphère est de glace;
La splendeur du soleil pâlit de jour en jour;
Sur l'arbre dépouillé que le frimas enlace,
L'oiseau ne redit plus sa romance d'amour.
La nature a souillé la robe éblouissante
Qui parait les coteaux de ses replis soyeux;
Les fleurs ont disparu; l'abeille vigilante
Ne dore plus nos bois de son miel savoureux.
Les torrents écumeux, grandis par les orages,
Font retentir les airs de lugubres sanglots;
Et, bondissant soudain par dessus les rivages,
Dévastent les moissons de leurs terribles flots.
Quand tu parais, automne, aussitôt la tristesse
Sur notre front serein pose son noir bandeau;
Tu viens ravir aux champs leur brillante jeunesse,
Tu nous donnes des jours sombres comme un tombeau!
Au vieillard que les ans inclinent vers la tombe,
Et qui plonge son coeur aux sources des plaisirs,
Tu dis: «Lève la tête, et vois ce fruit qui tombe,
Ainsi tu tomberas avec tes vains désirs...»
L'automne, de la vie est la fidèle image:
Les jours calmes et doux sont nos jours sans remords;
Les bosquets dénudés rappellent le vieil âge;
La neige et les frimas, le blanc linceul des morts!...
Eh bien! puisque l'automne en souverain commande,
Inclinons tous nos fronts devant sa majesté;
Car sa voix est l'écho de Dieu qui réprimande
Ceux qui ne pensent pas à leur éternité.
Novembre 1883.